Fabriquer de la peur pour vendre ad nauseam des produits de santé inutiles voire toxiques ne représente pas une stratégie née avec les vaccins anti-Covid, les années 90 nous avaient déjà bien habitués à cette manipulation des esprits. Qui  se souvient de l’apparition des statines anti-cholestérol? Assurément Pierre Biron, mais il faut dire que c’est son métier: En tant que Professeur de Pharmacologie à la faculté de Montréal son opinion compte un peu… Aujourd’hui est un grand jour car le Pr Biron dépose son blog chez nous à côté de celui d’Emma, directement sur le portail de notre site. Curieux de tout, lecteur insatiable et communicant hors-pair, toute l’AIMSIB souhaite obtenir de lui des centaines de parutions à l’intérieur de ce nouvel espace dédié à la culture et à la réflexion. Et votre LDL, il est à combien cette semaine? Bonne lecture.

Plaidoyer

Un moratoire sur les cholestérolémies de dépistage, systématiquement incluses dans les bilans annuels de santé et de suivi sur les patients statinisés ou non, serait un soulagement pour les anxieux, un cadeau pour les budgets de santé, un progrès pour la santé publique, mais ne pourrait survenir que si la rigueur scientifique s’améliorait chez tous les intéressés.

De dépistage ou de suivi, la cholestérolémie n’est-elle pas asservissante?

J’aimerais soumettre l’idée que le dépistage du cholestérol mène à une perte de liberté individuelle des bien-portants qui risquent d’être statinisés pour la vie, dépendants de la médecine, de la pharmacie et du laboratoire pour le reste de leurs jours, sans pourtant être malades, étiquetés « malades de leur cholestérol« , libellés personnes « à risque« , exposés aux interactions médicamenteuses, victimes d’effets indésirables de plus en plus divulgués, et vecteurs involontaires de substantielles dépenses personnelles et collectives. C’est une forme d’esclavage où l’on enchaîne les patients par une laisse pharmacologique.

L’homme sain, Homo Vivens, est un homme libre sanitairement parlant; c’est « cet être vivant, incarné, mortel, imparfait, limité (1) ». Homo Statinisus n’est plus libre, ses niveaux lipidiques le placent sous surveillance rapprochée. « Mesurer la condition humaine à l’échelle du cholestérol est une absurdité » nous rappelle Petr Skrabanek chez Odile Jacob .

La femme bien-portante et statinisée à vie est une femme stigmatisée, marquée pour la vie sans la prolonger ni en augmenter la qualité. Pire, c’est aussi le cas de la coronarienne statinisée. Quant au septuagénaire coronarien, il ne prolongera pas sa vie lui non plus.

À quand un moratoire sur la cholestérolémie de dépistage des bien-portants? Et sur la répétition « à vie » d’innombrables cholestérolémies de suivi ? Pourquoi pas, puisque les quelques heures ou jours de vie gagnés par année de statinisation de rares hommes coronariens pas trop âgés ne résultent probablement pas – et même les ayatollahs du cholestérol l’admettent enfin – de l’abaissement de la cholestérolémie.

À quand le bannissement des statines dans les résidences pour aînés et les Ehpad ?

Un cholestérol très bas ou très haut n’est pas un gage de longue vie, alors laissons le tranquille car rien ne sert de l’altérer artificiellement par nos poisons à petite dose. Si on expliquait impartialement la situation aux patients, question de partager la décision, on peut se demander combien s’engageraient dans une statinisation à vie en pleine connaissance de cause.

Même chez les diabétiques, chez qui les quatre essais d’hypocholestérolémiants ont été négatifs (Cards, 4D, Aspen, Field), à quoi servent les cholestérolémies à vie ? Sans oublier que l’effet diabètogénique des statines est maintenant reconnu et libellé dans le résumé des caractéristiques du produit.

Même en utilisant les statines à forte dose chez des coronariens avérés, quatre essais publiés (TNT, Ideal, Search, A to Z) ne purent démontrer leur supériorité aux doses habituelles en termes de survie ; Un cinquième qui fut positif statistiquement seulement, Prove-It Timi-2, se disqualifia deux ans plus tard quand ses auteurs avouèrent dans le New England avoir oublié (sic) une partie des résultats, mais sans rétracter l’article . Et nous passons sous silence les essais négatifs qui seraient demeurés enfouis dans les voutes des promoteurs.

Quand on analyse de façon critique la méthodologie et tous les résultats de tous les essais cliniques sponsorisés publiés, en écartant la « conflation » – l’inflation des conclusions -, on ne trouve pas de fondement scientifique solide à la statinisation en général.

Ce qui n’empêche pas leurs auteurs (authentiques ou prête-noms), les relationnistes, ainsi que plusieurs éditorialistes, méta-analystes, rédacteurs de directives cliniques, ou meneurs d’opinions cooptés en formation médicale sponsorisée, de dire, d’écrire, d’enseigner ou de recommander présomptueusement le contraire. Homo Statinisus est victime de Homo Economicus.

On exclue ici les rares hyperlipidémies familiales. Mais ce ne sont pas ces victimes génétiques qui grugent nos budgets pharmaceutiques. On les dépiste de toute façon par leur histoire personnelle et familiale et l’examen physique (xanthomes).

Il y a certains signaux qu’on ne peut ignorer. Des études sur registres, dont on connaît les nombreux biais puisqu’il s’agit de données secondaires sinon tertiaires, suggèrent une possible aggravation du risque d’angiopathie (coronaire ou cérébrale) après l’arrêt subit d’une statine.

Si cela se confirmait, quelle que soit son amplitude, on le classerait parmi les effets indésirables, cette fois-ci un effet rebond. Probablement relié à un faible effet vasodilatateur (antiangoreux) médié par la production de monoxide d’azote (Nitrous Oxide) endothélial, effet statinique dit pléiotrope.

Témoignages québécois

-Martin Juneau, cardiologue (Institut de cardiologie de Montréal), déplore que les statines engendraient 6,8 % des coûts en médicaments de la Régie de l’assurance médicament du Québec en 2012 alors que la prévention authentique par l’amélioration du mode et des conditions de vie n’est guère financée.

-Robert Béliveau, généraliste montréalais qui se consacre à déstresser les coronariens, croit que l’hypothèse du cholestérol engendre une perte de liberté et de jouissance, une culpabilisation inutile, une tentative vaine, vouée à l’échec, qui fait partie de ce vouloir naïf qui est d’endiguer tous les risques et prolonger indéfiniment la vie sans se soucier de sa qualité.

-Colin Rose, cardiologue au CHU de l’Université McGill a cru durant toute sa carrière rendre un service médical en sortant ses patients des griffes de la statinisation à vie, et en dénonçant la malbouffe dans son site web iconoclaste. « Ma journée de consultation est réussie quand j’ai pu déstatiniser au moins un de mes nouveaux patients »

Paul van Nguyen, interniste général au CHU de l’Université de Montréal, témoin privilégié des effets indésirables graves voire fatals des statines, est aussi un ‘déprescripteur’ convaincu et conférencier sur le sujet.

-Marc Zaffran, généraliste français, écrivain, ex-rédacteur à la revue Prescrire, alias Martin Winkler, québécois et montréalais d’adoption, trouve que considérer le cholestérol, un composant normal de notre physiologie, en poison lent, qu’il faudrait réduire à tout prix par des médicaments inutiles et dangereux, représente une escroquerie planétaire.

Jean-Marie Therrien, généraliste en province, a suivi la scène du cholestérol pendant 30 ans avant de conclure dans un livre à compte d’auteur que les hypocholestérolémiants représentaient une grande supercherie.

-Eddie Vos, ingénieur et chercheur indépendant en région, dénonce ces vaines et ruineuses dépenses de la Régie de l’assurance maladie du Québec dans un breffage qu’il a soumis au Ministère de la Santé le 25.2.2014 .

Paul Poirier, cardiologue au CHU de l’Université Laval à Québec, en a contre l’impression trompeuse des messages des pharmaceutiques sur les avantages des pilules contre le cholestérol et contre leurs lobbyistes qui disent que ça va sauver la vie; les pilules contre le cholestérol sont une fausse sécurité, mieux vaut faire des promenades et mieux manger.

Alors pourquoi?

Pourquoi donc tant de gens sont encore statinisés, en particulier des femmes coronariennes ou non, ainsi que des hommes non coronariens ? Ils aiment le prescripteur et ont peur de le perdre en le contredisant, ou ils ne l’ont pas choisi, ou c’est un spécialiste que leur médecin de famille n’ose pas s’aliéner, ou ils insistent pour continuer parce que le beau-frère en prend et va bien…

Pourquoi donc tant de médecins sont encore des statinateurs ?

  1. a) Ils en ont pris l’habitude et ne veulent pas changer
  2. b) Ils suivent aveuglément les directives cliniques, voire en prennent eux-mêmes
  3. c) Ils n’ont pas le temps d’expliquer au patient qui en voudrait que dans leur cas le ratio bienfait-méfait est négatif
  4. d) Ils sont de bonne foi

 

À ceux-ci, qui sont de bonne foi, je dis ceci:

Quel que soit votre statut, même si vos titres remplissent toute une ligne, même si je vous choisirais comme médecin à cause de votre compétence clinique, il me semble que vous n’avez pas lu au complet tous les essais cliniques contrôlés des statines, et si vous les avez lus, vous ne distinguez pas entre validité interne et externe, faute de formation méthodologique. Et vous croyez encore à l’hypothèse lipidique.

Si vous les aviez lus au complet, pas seulement le résumé et la conclusion, qui souffrent toujours de « conflation » mais en commençant par les conflits d’intérêts et la méthodologie, vous auriez découvert que même lorsqu’un critère d’évaluation valide comme le décès approche le sempiternel P< 0,05, la validité interne (confiance dans la causalité) demeure faible, et surtout, la validité externe (confiance dans la pertinence) n’est jamais au rendez-vous, i.e. l’amplitude du bénéfice en termes de prolongation de la vie est soit nulle ou d’une petitesse dérisoire. 

Vivre 5 jours de plus par année de traitement ne compense pas les coûts indirects matériels et psychologiques, et les contraintes « à vie », de votre clientèle. Conclure à un service médical rendu quand le Nombre Nécessaire de Traiter est de 500 patients-année pour retarder 1 décès toute cause, comme le font des cardiologues éditorialistes commentant l’essai Jupiter, me dépasse totalement.

 

Pr. Pierre Biron
Avril 2021

 

Notes et sources:
(1) Biron P. http://agora.qc.ca/fr/homo_vivens_le_manifeste
(2) Skrabanek P., « La fin de la médecine à visage humain« . 1995, Odile Jacob éd. p.108
(3) Intensive versus Moderate Lipid Lowering with Statins after Acute Coronary Syndromes (Original Article, N Engl J Med 2004:350;1495-1504) : In Figure 2 on page 1500, several of the numbers of patients at risk for death or a major cardiovascular event in the pravastatin and atorvastatin groups were listed incorrectly. February 16, 2006 N Engl J Med 2006; 354:778
(4) Une histoire inventée : Essai sur le cholestérol. Montréal : Carte Blanche ; 2014
(5) Vos E, Rose C, Biron P, van Nguyen P. Breffage sur les statines

 

 

 

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