Mon Cher Confrère,
Je souhaite vous remercier pour les soins que vous avez bien voulu apporter à mon jeune, dynamique et très sympathique patient Raphaël H. 31 ans, hospitalisé chez vous pour bilan de crise paresthésique brachio-faciale avec dysarthrie durant 20 minutes, bilan négatif en attente de marqueurs biologiques en cours d’analyse, sortant ce jour avec un diagnostic de suspicion d’AIT.
Sa lettre de sortie préconise une mise sous Atorvastatine 40 et Kardégic 160.
J’imagine que vous souhaitez vous inspirer des recommandations en vigueur à la suite de l’essai SPARCL de 2006 (1), dithyrambique sur le pouvoir salvateur de l’Atorvastatine à haute dose dans la prévention secondaire des AVC. J’ai le regret de vous apprendre que cet essai ne résiste pas une seconde à une analyse rigoureuse, en contradiction profonde avec les commentaires des rédacteurs.
Vous avez été victime, comme moi pendant longtemps et comme encore énormément de Confrères à ce jour, d’une tentative réussie d’influencer votre décision thérapeutique sur la base d’une étude à la présentation falsifiée, ce qui est constant en matière de statines.(2)(3)
Je vous le prouve facilement :
Cette étude affirmait que l’administration d’Atorvastatine prévenait de nouveaux épisodes d’AVC et d’ événements cardio-vasculaires au prix d’une augmentation (minime) d’AVC hémorragiques.
Un suivi fut réalisé auprès de globalement 5 000 patients sur 5 ans. (On se demande toujours pourquoi on n’a jamais de suivi sur 10 ans, mais c’est un autre débat)
Celle-ci fut conduite par le laboratoire Pfizer qui de fait, en a contrôlé tous les stades jusqu’aux résultats finaux tout en interdisant aux observateurs l’accès aux données brutes (Row Data). La liste des liens d’intérêts (avoués) des rédacteurs est déjà… consternante. Mais en sont-ils réellement les rédacteurs ?
Pourquoi tant de patients ont disparu de l’étude? Mystère. 6670 « screenés » au départ, ils ne sont plus que 4731 à la fin. Et par quel miracle hallucinant les patients sous 80 mg d’Atorvastatine ne déclarent pas plus d’effets secondaires que sous placebo, qui peut croire à une farce pareille ????
Magie du « Run-in »…
Il y a eu 216 décès dans le groupe Atorvastatine et 211 dans le groupe placebo. Ça commence mal et comme d’habitude il n’y a aucune différence de mortalité entre les deux groupes mais archi-surtout pas une discrète inflexion sous Atorvastatine puisque c’est le contraire qui se produit.
il est à première vue net que les AVC létaux se réduisent franchement ( 41 dans le groupe placebo contre 24 dans le groupe Atorvastatine) ainsi que les AVC non létaux ( 280 versus 247) .
Voici la classique présentation trompeuse de la réduction relative du risque,(RRR), ici de 41% et 13%, qui peut faire rêver mais qui est en fait un résultat affligeant quand on prend soins de pondérer ces chiffres par rapport à la population totale suivie. Car rapporté aux 2400 patients qui ont été traités pendant 5 ans, la statine aurait évité 17 AVC mortels (41-24) soit environ 3/an. Il faut donc traiter (2400/3) (NTT) plus de 800 patients par an pour éviter un AVC mortel.
Avez vous remarqué que les auteurs annoncent un NTT de 46 ?????
On peut s’amuser à en approcher le coût pour la collectivité, 92 euros par trimestre et par personne soit 92 x 4 x 800 = 294.000 euro l’AVC évité… mais avec des panels probablement « optimisés » et des statistiques très « affinées » donc dans la vraie vie plutôt un coût encore plus astronomique pour un résultat complètement nul !
Tout ceci ne prenant pas en compte évidemment la cascade abominable d’effets secondaires qui ne manqueront pas de se produire pour une molécule qui se prescrit à vie mais qui ne s’étudie que sur 1 à 5 ans…
Pour faire court je n’en rajouterai pas sur la surreprésentation des AVC hémorragiques et je vous encourage vivement à prendre connaissance du dernier ouvrage de Michel de Lorgeril (4) sur cette question, car il semble bien que l’hypocholestérolémie soit un facteur favorisant d’ AVC hémorragique indépendamment d’une utilisation concomitante (systématique ou presque) d’ AAP.
Je vous rappelle que notre patient de 31 ans admet un CT= 1,20 g/l et qu’il utilise régulièrement sa tête pour frapper car il est footballeur…
Comme vous le verrez facilement dans la barre d’adresse, je ne veux plus garder pour moi la mise au jour de telles inepties, pseudo-scientifiques, qui entraînent toute la communauté médicale dans l’ornière.
Avec votre accord, dorénavant tous mes billets vous seront automatiquement adressés. Votre désinscription sera immédiatement réalisée sur simple demande de votre part, mais je souhaiterai plutôt que vous m’autorisiez à ouvrir le débat avec l’ensemble de votre équipe.
Je connais la difficulté de votre exercice au quotidien, la charge de travail qui vous incombe, la qualité des prises en charge de vos différentes équipes.
Pour vous dire que je respecte profondément votre travail !
Dans l’attente de vous lire, je vous prie de croire, mon Cher Confrère, en l’expression de mon plus grand respect.
TOUS ENSEMBLE REFUSONS LA CORRUPTION DU SAVOIR MÉDICAL, ADHÉRONS A L’AIMSIB.
Joyeux Noël à tous, excellentes fêtes de fin d’ années.
(1) http://www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJMoa061894
(2) http://www.h2mw.eu/redactionmedicale/fraude/
(3) http://www.bmj.com/content/326/7400/1167
(4) « L’horrible vérité sur les médicaments anti-cholesterol… » de Lorgeril M., Thierry Souccar Ed.