« Encéphalix » est jeune, intelligent et amoureux mais voilà l’élue de son coeur est atteinte de sclérose en plaque. Il sait qu’il doit tout faire pour la défendre des chausse-trappes infinies qui peuvent s’ouvrir devant elle et c’est ainsi que quand on « leur » a proposé un traitement par Avonex© l’année dernière notre membre d’élite a déterré préalablement pour elle une réalité hallucinante autour des effets de ce produit (*) ce qui « leur » évitera de tomber dans une thérapeutique sans intérêt. Quand vient cette année le moment où on « leur » proposera d’accepter un traitement injectable par Tysabri© issu du même laboratoire qu’ Avonex©, à savoir Biogen, tous ses signaux d’alertes vireront à nouveau au rouge dans son esprit. « Encéphalix » est alors reparti seul par amour sur le sentier de la science médicale nauséabonde, sous nos regards admiratifs… Bonne lecture. 

 

Après avoir reçu le prix Galien en 1998 pour l’Avonex© (1), le laboratoire Biogen sera une nouvelle fois récompensé en 2009 pour un nouveau traitement de la sclérose en plaque (SEP) : le natalizumab, nom commercial : Tysabri©. Le natalizumab représente le traitement de deuxième ligne de Biogen et sa carrière commerciale n’a rien à envier à Avonex© puisqu’il a rapporté 1,86 milliards de dollars en 2018. (2).

Mécanisme d’action du natalizumab

Le natalizumab est un anticorps anti-α4 intégrine humanisé recombinant. Les intégrines sont des molécules d’adhésion avec deux sous-unités : α et β. La sous-unité α4 des intégrines est fortement exprimée à la surface des leucocytes. Ce pourrait donc être une cible de choix pour réguler l’inflammation puisqu’il y aurait une forte activité inflammatoire au niveau des lésions de SEP.

Le natalizumab bloquerait les interactions entre les intégrines α4β1 et α4β7 d’une part et leurs récepteurs d’autre part. Ainsi, il y aurait une diminution du passage des leucocytes à travers la barrière hémato-encéphalique (BHE). Un autre mécanisme d’action pourrait être de bloquer l’interaction entre les leucocytes et les cellules parenchymateuses.

Ce qu’il faut retenir pour la suite (et c’est ce que dira le neurologue à son patient pour instaurer ce traitement) : le natalizumab renforce la barrière hémato-encéphalique et diminue l’inflammation.

Mais en est-on sûr ? La lecture du résumé des caractéristiques produit (RCP) de l’EMA (3) et de la FDA (4) nous réserve quelques perles…

Tout d’abord, après avoir décrit les cibles du natalizumab la FDA écrit :

  • « The specific mechanism(s) by which TYSABRI exerts its effects in multiple sclerosis and Crohn’s disease have not been fully defined« .

Trad: « Les mécanismes spécifiques par lesquels Tysabri exerce ses effets dans la SEP et la maladie de Crohn n’ont pas été totalement déterminés ».

Efficacité clinique du natalizumab

Elle a été testée dans l’étude AFFIRM (5) publiée en 2006. Cet essai clinique a permis d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché.

Il s’agit d’une étude randomisée en double aveugle avec un bras placebo et un bras natalizumab.

Notons qu’en 2001, date du début de l’essai (6), des traitements existaient déjà pour les SEP de type récurrente-rémittente (interféron bêta tels Rebif© et Betaseron©). Il était donc bien peu éthique de la part de Biogen de ne pas comparer le natalizumab aux traitements de référence de l’époque. Y-a-t-il eu une perte de chance pour les patients ayant reçu le placebo ?

De plus, trouver une différence significative par rapport à un placebo sera en théorie plus facile que si on compare à un traitement actif ayant déjà fait ses preuves.

Dans l’étude AFFIRM, nous pouvons lire que le natalizumab a permis de réduire de 42% le risque de progression du handicap, 68% le nombre de poussée à 1 an. L’efficacité clinique semble donc nettement supérieure à ce qui était annoncé pour Avonex© (7) : une réduction d’environ un tiers des poussées.

Si le traitement est efficace, combien de patients faut-il traiter pour qu’un seul n’aie pas de progression du handicap (= nombre nécessaire à traiter NNT) ? La réponse est apportée par l’analyse des courbes de survie :

Courbe de survie AFFIRM: Natalizumab vs Placebo

Courbe de survie Avonex© vs Placebo

 

Les mêmes résultats présentés sous forme de tableau :

A partir de ces données brutes, on note qu’il faut traiter 9 patients avec natalizumab pour qu’un seul n’aie pas de progression du handicap à 2 ans. Ainsi, si le traitement était donné à tous les patients atteints de SEP, nous aurions une inefficacité à 2 ans chez 88,9% d’entre eux.

Il est ironique de voir que le NNT est plus élevé dans l’étude AFFIRM que pour l’étude sur Avonex© dont on sait qu’elle a été truquée. (*)

L’efficacité du natalizumab est plus élevée que le placebo ou Avonex© (cf hazard ratio). Néanmoins, l’impact en termes de santé publique semble identique sur l’évolution du handicap si on l’administrait à tous les patients atteints de SEP (cf NNT).

Population de l’étude : 88% des patients de l’étude AFFIRM avaient un score EDSS inférieur à 3,5 (vs 100% dans l’étude Avonex), ils ne devaient pas avoir reçu de traitement de la SEP pendant 6 mois avant la 1e perfusion de natalizumab, mais au moins une poussée documentée dans l’année précédente (59% d’entre eux ont eu 1 poussée ou moins). L’âge médian du diagnostic de SEP était respectivement de 5 et 6 ans pour le bras natalizumab et le bras placebo. On peut alors supposer que les patients de l’étude AFFIRM ont une SEP peu évolutive et donc que les sujets inclus dans l’étude n’ont pas le même profil que les patients mentionnés dans les indications thérapeutiques :

  • Patients présentant une forme très active de la maladie malgré un traitement complet et bien conduit par au moins un traitement de fond
  • Patients présentant une sclérose en plaques rémittente-récurrente sévère et d’évolution rapide, définie par 2 poussées invalidantes ou plus au cours d’une année associées à 1 ou plusieurs lésion(s) rehaussée(s) après injection de gadolinium sur l’IRM cérébrale ou une augmentation significative de la charge lésionnelle en T2 par rapport à une IRM antérieure récente.

Cette indication comme traitement de deuxième ligne pourrait alors s’expliquer par les risques importants encourus par les patients prenant Tysabri.

A propos de l’utilisation du Tysabri©

Dans le rapport de la FDA du 08/05/2019, nous pouvons lire que la quantité maximale de Tysabri© qui peut être administrée en toute sécurité n’a pas été déterminée.

La quantité délivrée à chaque perfusion est pourtant la même quel que soit le patient : 300 mg.

Les deux organes principaux permettant d’éliminer les molécules pharmaceutiques sont le rein et le foie mais : « Aucune étude n’a été effectuée pour examiner les effets d’une insuffisance rénale ou hépatique » (RCP de l’EMA).

De plus, la clairance du natalizumab varie en fonction de la masse corporelle mais pas de manière proportionnelle : une augmentation de 43% du poids conduit à une augmentation de 32% de la clairance.

Le mode d’administration du Tysabri© impose une perfusion toutes les 4 semaines en hospitalisation de jour. On peut donc supposer qu’un patient ayant un faible poids et/ou une insuffisance rénale ou hépatique va accumuler des doses croissantes de Tysabri© dans son organisme.

La dose toxique n’étant pas connue, ce traitement fait prendre un risque non négligeable aux patients indépendamment de ses effets secondaires fréquents, nombreux et parfois mortels.

Et pourtant, les perfusions peuvent être espacées toutes les 6 semaines (8) sans qu’il n’y ait une diminution de l’efficacité du traitement sur le taux annualisé de poussée, la progression du handicap ou les paramètres mesurés à l’IRM. En effet, les intégrines α4 sont saturés encore à 80% 4 semaines après la perfusion et 50% après 82 jours (9).

Ces données de sécurité sur l’espacement des perfusions ont été publiées en 2018. Un an après, rien ne change. Cela tient sûrement au mode de financement du natalizumab. En effet, il est inscrit sur la liste dite « en sus » (10). Ainsi l’hôpital n’a pas à supporter le coût du médicament qui est facturé à la sécurité sociale « en sus » de la tarification à l’activité. (hospitalisation de jour).

Entre 2011 et 2015, le natalizumab faisait parti des 10 molécules les plus coûteuses de la liste « en-sus » (11) qui en comptait 150 en 2015.

En 2018, le prix unitaire était de 1671,22€ TTC.

Ainsi, une perfusion toutes les 4 semaines rapportait 20 054,64 € par patient par an à l’hôpital tandis qu’une perfusion toutes les 6 semaines rapporterait 13 369,76 € par patient par an à l’hôpital. Le manque à gagner serait de 6 684,88 € par an et par patient.

Le prix de la cure a diminué au 2 janvier 2019 à 1 504,10€ (soit 1 473,165€ H.T) (12). Une année de traitement coute désormais 18 049,20 € T.T.C.

Composition de Tysabri©

Tysabri© contient entre autre du polysorbate 80.

Le Docteur Michel de Lorgeril (13) a trouvé des publications indiquant que :

– «Certaines équipes travaillaient sur la propriété très particulière du polysorbate 80 de faciliter le passage de substances (des peptides ou des chimiothérapies) à travers la barrière hémato-encéphalique […]. Apparemment le polysorbate 80 pourrait aussi faciliter le passage des virus ou des toxines produites par des bactéries à travers cette barrière hémato-encéphalique ».

Le polysorbate 80 est également utilisé pour faire passer certaines chimiothérapies à travers la BHE (14).

Il est donc très surprenant que ce composant fasse parti de la préparation Tysabri© :

Le mode d’action du natalizumab va empêcher les leucocytes de passer à travers la BHE et le polysorbate 80 facilitera le passage de virus et de bactéries vers le parenchyme cérébral !

La leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) est l’effet secondaire grave qui a conduit à un arrêt de commercialisation temporaire de Tysabri© en février 2005. La LEMP est une infection opportuniste de l’encéphale dont l’issue est souvent fatale ou conduit à un handicap très lourd.

La BHE étant probablement devenue perméable aux virus et bactérie, deux autres effets secondaires graves menaçant le pronostic vital sont l’encéphalite et la méningite causées par le virus herpès simplex et le virus varicelle-zona.

Une fois ces virus passés à travers la BHE, le système immunitaire ne pourra donc plus combattre l’infection puisque les leucocytes resteront dans la circulation sanguine.

Le deuxième mode d’action supposé de Tysabri© est de bloquer les interactions entre intégrine α4 et les cellules parenchymateuses ce qui conduirait à diminuer l’inflammation et donc des lésions. La microglie et les macrophages contribuent à la destruction de la myéline en libérant des molécules inflammatoires qui stimulent ainsi l’activité et la transmigration leucocytaire à travers la BHE. Malheureusement ce sont ces mêmes cellules qui aident à la réparation du système nerveux central en libérant des facteurs neurotrophiques et en éliminant les débris de myéline (15). Le natalizumab peut donc empêcher ces mécanismes de cicatrisation.

Tysabri© et grossesse

La SEP touche davantage les femmes : le sex-ratio est de 1 homme pour 3 femmes atteintes (16). Il est donc indispensable d’évaluer les conséquences d’un traitement tel que Tysabri© chez les femmes en âge de procréer.

Les cibles du natalizumab sont les intégrines α4. Or ces molécules jouent un rôle actif pour la fertilité, la nidation, le développement du placenta et du cœur (17).

Dans son rapport du 12/08/2019, la FDA indique qu’ « il n’y a pas de données adéquates sur le risque de développement associé à l’utilisation de Tysabri© chez la femme enceinte » et que « le risque d’anomalies congénitales majeures et de fausses couches pour la population indiquée est inconnu ».

Par ailleurs, le risque de reprise de l’activité inflammatoire durant la grossesse est plus important chez les femmes qui étaient sous natalizumab comparé à celles qui avaient un traitement par interféron ou aucun traitement (18).

De plus, le natalizumab passe à travers le placenta (19) et augmente le risque d’avortement spontané par rapport à un traitement par interféron ou aucun traitement (20).

Il fallait donc être extrêmement prudent avant de commencer un traitement par Tysabri notamment chez une femme en âge de procréer et n’ayant pas encore eu d’enfant.

Ce que nous dit la Haute Autorité de Santé (HAS)

La commission de la transparence a rendu un avis le 3 octobre 2018 à propos de Tysabri (21). Ce rapport nous apprend que le laboratoire Biogen a réalisé une méta-analyse pour comparer le natalizumab aux autres traitements de la SEP mais ne l’a pas publiée. Au total 30 études ont été incluses.

Suite à la lecture de cette méta-analyse, la HAS nous apprend que quatorze études ont été inclues pour la comparaison indirecte de la progression du handicap confirmé à 12 semaines et 18 pour la comparaison indirecte de la progression du handicap confirmé à 6 mois.

– « Au total, ces analyses suggèrent l’absence de différence entre le natalizumab, le placebo et l’ensemble des traitements actifs étudiés sur la progression du handicap confirmé à 3 et 6 mois. ».

L’ensemble de ces données conduit donc la HAS à conclure :

« Tysabri© n’est pas susceptible d’avoir un impact sur la santé publique » et réévaluera l’Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) à IV (mineure).

Conclusion

Rappelons tout de même que depuis 2015, environ 5000 patients sont traités par Tysabri chaque année. Pour rien. Cela représente donc une somme annuelle de 104 544 838 € payée par la solidarité nationale jusqu’en 2018 pour un médicament inefficace sur la progression du handicap.

Il est incompréhensible que l’ensemble des Etats n’ait pas demandé un audit général concernant la qualité substantielle de la totalité des produits commercialisés par la firme Biogen.

Pourquoi la HAS ne demande pas immédiatement la suspension immédiate de l’AMM de ce produit aussi inutile, aussi dangereux et aussi scandaleusement cher, quand même pas pour simplement respecter les rares rentrées financières des services de neurologie, si?

Encéphalix, Février 2020

 

Note et sources:
(*) https://www.aimsib.org/2019/09/04/quand-bigpharma-sattaque-aux-malades-de-la-sep-et-engrange-des-milliards-de-dollars/
(1) – https://www.prixgalien.fr/wp-content/uploads/2019/03/historique_palmares_pg_france.pdf
(2) – https://www.sec.gov/Archives/edgar/data/875045/000087504519000006/biib-20181231x10k.htm
(3)- https://www.ema.europa.eu/en/documents/product-information/tysabri-epar-product-information_fr.pdf
(4) – https://dailymed.nlm.nih.gov/dailymed/drugInfo.cfm?setid=c5fdde91-1989-4dd2-9129-4f3323ea2962
(5) – https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16510744
(6) – https://clinicaltrials.gov/ct2/show/study/NCT00027300?term=natalizumab&recrs=eh&age=1&phase=2&draw=2&rank=2
(7) – https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8602746
(8) – https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29982107
(9) – https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15853576
(10) – https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/medicaments/professionnels-de-sante/autorisation-de-mise-sur-le-marche/la-liste-en-sus/article/referentiel-des-indications-des-specialites-pharmaceutiques-inscrites-sur-la
(11) – https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/30-2.pdf
(12) – https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000037663258&dateTexte=&categorieLien=id
(13) – De Lorgeril, Michel, « Analyse scientifique de la toxicité des vaccins à l’intention des familles et de leurs médecins », Livre 5, Editions Chariot d’Or, Collection « Vaccins et société », 2019, pp 135 -138
(14) – https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16426779
(15) – https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24952885
(16) – https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/sclerose-en-plaques-sep
(17) – https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25392323
(18) – https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29438041
(19) – https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28857686
(20) – https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29438046
(21) – https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-02/tysabri_picreeval_avis3_ct16918.pdf

Source image : http://www.pilotedechasse.org/article-31041387.html

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