N’oublions surtout pas que le Professeur Philippe Even (AIMSIB depuis sa création) enseignait la thérapeutique médicale à la Faculté Necker, à partir des médicaments fantaisistes ou abominablement mal prescrits il en a rédigé des livres entiers. Deux journalistes s’emparent d’un ancien anesthésique que l’on veut subitement parer d’une formidable capacité à traiter la dépression mais voilà, sous une forme chimique à peine modifiée: Evidemment très brevetée, astronomiquement plus chère. D’où un double agacement de notre cher Professeur et sa réponse à l’un d’eux. Bonne lecture.
Madame,
Pardonnez-moi d’intervenir auprès de vous à propos de votre article sur la Kétamine, dans le Monde du 17 avril 2019 (1), quelques jours après un article similaire de Yann Verdo dans les Echos (2), pour vous apporter un éclairage complémentaire :
1. La dépression n’est pas une maladie mais, selon la bible américaine de la psychiatrie, le DSM-5, un « désordre mental » à causes multiples. Elle n’est qu’un état réactionnel aux difficultés croissantes dans une société « fracturée », de plus en plus inégalitaire, contraignante et injuste, qui conduit au rejet de soi-même et/ou des autres, famille, métier et même enfants, et qui touche quatre fois plus les femmes, encore bien plus vulnérables dans notre société d’aujourd’hui. Il s’agit ainsi d’une réaction symétrique des révoltes comme celle des « gilets jaunes », mais pas d’une maladie biochimique liée au manque de sérotonine, comme on l’a longtemps cru. C’est la société qu’il faut soigner, pas les déprimés….
2. Ceci explique que le nombre des dépressions, aigües ou chroniques, graves ou plus légères, souvent associées à des douleurs chroniques sans cause ou à une fatigue chronique, ait été multiplié par 30 en 30 ans, et qu’il atteigne aujourd’hui, 10 millions de Français, soit une personne sur six, une femme sur quatre, un homme sur dix, qui avalent chaque année 5 à 10 milliards de comprimés prescrits par 6 à 9 par jour à la fois, premier marché de médicaments du monde et en France (2,5 milliards d’euros).
3. Et cela avec des effets secondaires hyper fréquents et parfois très graves, cardiaques, neuropsychiques, hallucinations, délires, comas ou même suicides et meurtres, et souvent accoutumance et addiction, et tous, la Kétamine plus encore que les autres, avec le risque grave d’être utilisés comme des drogues par détournement des indications et des doses.
La mise sur le marché de la Kétamine nous expose à des détournements d’usage et de doses
4. Les dépressions sont responsables des trois-quarts des 10 à 12.000 suicides annuels (les déprimés se suicident 7 fois plus que les non-déprimés).
5. Aucun médicament nouveau depuis 40 ans, mais 100 copies de plus en plus chères des cinq molécules mères des psychotropes des années 60.
6. Le chiffre de 30% de résistance aux antidépresseurs ne repose sur rien. Toutes les études comparatives contrôlées montrent au contraire 50% d’échecs et 50% de succès partiels, avec réduction moyenne de 50% des symptômes, à peine supérieurs aux placebos inertes, non-supérieurs aux placebos amers ou salés et inférieurs aux psychothérapies.
7. Glaxo, Lilly et Pfizer ont été condamnés à 1 à 3,5 milliards de dollars aux Etats-Unis et en Angleterre, pour falsification des études d’antidépresseurs (mais en France, ni plainte, ni condamnation).
8. La Kétamine, connue depuis 50 ans, inhibe les récepteurs du glutamate (ou NMDA) et bloque ainsi les effets du glutamate, accélérateur de l’influx dans TOUS les circuits neuronaux (humeur, douleur, mémoires, appétit, sommeil, etc.).
La Kétamine ralentit donc l’influx nerveux dans TOUS ces circuits, d’où ses effets multiples, anesthésiques, antidouleurs, antidépresseurs, mais aussi, surtout à haute dose, ses effets secondaires imprévisibles dangereux.
9. Je n’ai aucune raison de douter de l’indépendance du Pr de Maricourt, mais on ne peut que s’interroger à lire la liste de ses contrats avec le laboratoire Janssen-Cilag, promoteur de l’Eskétamine :
• 29 contrats au total, dont 15 avec Janssen ;
• Avec 7 contrats lourds de consultant ou d’expert, dont 6 avec Janssen ;
• 7 contrats d’orateur de congrès, dont 4 avec Janssen (et 3 avec Servier) ;
• 1 contrat de recherche avec Janssen.
Pourquoi ces liens d’intérêts n’ont-ils pas été précisés par lui ou votre journal, comme le demande la Loi Kouchner de 2002 ?
10. Le choix de l’Eskétamine plutôt que son isomère, la Kétamine, n’est pas innocent. Les deux molécules ont exactement les mêmes effets, mais l’Eskétamine est nouvelle et peut être protégée par un brevet pendant 20 ans et vendu 10 ou 20 fois plus chère que l’ancienne molécule, génériquée depuis longtemps.
11. Le travail expérimental remarquable, mais ponctuel et préliminaire, de l’Université Cornell (Science, 12 avril 2019), invoqué à l’appui de l’utilisation thérapeutique de la Kétamine dans les dépressions, n’a aucun rapport avec cet objectif.
Il étudie les altérations des neurones de la région médiane du cortex préfrontal induites par un double stress de trois semaines, abusivement assimilé à une « dépression », associant corticothérapie massive (l’hormone du stress) et immobilité forcée, avec contraintes physiques diverses, imposées à de jeunes souris bi-transgéniques particulièrement sensibles au stress, analysées, après craniotomie, par double imagerie de haute résolution. Le stress entraine la perte des connections (« spines ») interneuronales, tandis que la Kétamine injectée par stéréotaxie corrige rapidement les comportements de stress et entraine, mais seulement après quelques jours, le rétablissement des connections interneuronales (la fonction crée l’organe). A suivre.
On est loin de justifier l’utilité de la Kétamine dans les dépressions humaines et les auteurs précisent d’ailleurs eux-mêmes que les mécanismes des déclenchements, des rémissions et des rechutes des dépressions restent inconnus.
Ce travail chez des souriceaux stressés semble n’avoir été cité que pour apporter, sans y parvenir, une « coloration » scientifique à l’utilisation de la Kétamine chez l’homme.
Il s’inscrit dans une campagne commerciale de Janssen-Cilag (branche de Johnson et Johnson, N°1 de la pharmacie) pour lancer les sprays d’ « Eskétamine », récemment autorisés par la FDA et lancés sur le marché américain estimé à 90 millions de déprimés et que Janssen espère voir autorisés rapidement pour les 5 à 10 millions de déprimées et déprimés français.
(Fort heureusement, l’Agence Européenne des Médicaments refuse encore l’autorisation de commercialiser l’Eskétamine en Europe).
Il y a danger à médiatiser trop précocement les premières données de la recherche fondamentale, en créant ainsi de fausses craintes et de faux espoirs.
Le Monde avait publié un très bon article sur ce point (F. Gonon et T. Boraud, de Bordeaux) en janvier 2016.
Trop longue lettre, mais comprenez qu’il est plus qu’irritant de voir en une semaine paraitre dans Les Echos, puis Le Monde, deux articles qui risqueraient de passer pour commerciaux s’ils n’étaient signés de journalistes, dont Bernard Debré et moi savons l’indépendance.
Très amicalement,
Ph. Even
NB: Notez encore que votre journal a publié dans les « communiqués » Grand Angle, l’avis très commercial de nombreux universitaires (Prs Sibilia, Richette, Cantagrel, Joly, Cortet, Beylot-Barry, Carton, etc.), chacun couvert de 200 à 300 contrats 2013-2018 avec les firmes, toujours sans que cela soit mentionné ni par eux, ni par Grand Angle, ni par Le Monde, alors qu’il s’agit de contrats financiers personnels de consultant, de conseil, d’expert ou d’orateur, mais non de recherche, et de contrats dont un tiers de 1 mois à 7 ans, dont rien n’a été transféré à leurs hôpitaux, leurs services ou les laboratoires qu’ils n’ont d’ailleurs pas, mais exclusivement sur leurs comptes bancaires personnels, pour des sommes de 20.000 à 100.000 euros par an ou plus, sans l’autorisation de leur tutelle universitaire, ce que Le Monde couvre malgré des journalistes comme vous, C. Hecketsweiler, S. Foucart, D. Larousserie, etc. Cela ne va plus durer très longtemps. Comptez sur Aimsib, Formindep, Anticor, nous-mêmes et d’autres.
Bravo Monsieur Even, félicitations. Très bonne lettre, l’essentiel est dit, simplement et avec les bons arguments.
Vous savez qu’il en est toujours de même pour la scandaleuse et dangereuse supercherie de la théorie du cholestérol et des « empoisonnements » par les statines.
Bien à vous,avec reconnaissance.
François Ottello . 41 ans en recherche pharmaceutique d’un grand groupe français. Victime des statines.
Merci Professeur, merci de nous dire ce que l’on pressent mais que l’on n’est pas capable d’argumenter d’un point de vue médical, scientifique, merci de respecter le serment qui fut le vôtre, celui de nous protéger nous les malades et cela fait de vous un homme remarquable aujourd’hui, dans un monde ou même les mots ont perdu leur sens. Envers et contre beaucoup, sans suivre la doxa vous exercez, sans vous laisser séduire par l’attrait de l’argent et celui de la renommée.
Ma prétention thérapeutique de rhumatologue libéral d’une ville de province moyenne, m’avait poussé, il y a quelques années, à vouloir soigner beaucoup de patientes atteintes de syndrome fibromyalgique, que j’assimilais, alors, à une maladie rhumatologique mystérieuse …. (Plus malin que les autres !). Déçues par mes tentatives thérapeutiques inopérantes dans la durée, la plupart de mes malades allait rejoindre les Centres antidouleur officiels, où l’on essayait (sûrement avec l’idée d’un médecin anesthésiste-réanimateur) des injections de KETAMINE, régulièrement, pour calmer leurs douleurs « sine materia » ressenties d’une manière chronique insupportable. Résultat de cette magnifique médecine symptomatique : les douleurs étaient atténuées pendant… trois ou quatre jours avec une diminution des performances du cerveau cognitif comme le constataient les malades revenues me voir, en espérant un énième traitement efficace. La résistance thérapeutique du syndrome fibromyalgique blesse le narcissisme médical de tout thérapeute, qui ne trouve plus aucun plaisir à soigner cette entité. Le « primum non nocere » n’est même plus respecté.
Merci Professeur EVEN , prenez grand soin de vous.
Je retiens au moins cette phrase : « C’est la société qu’il faut soigner, pas les déprimés…. ». MERCI Professeur EVEN de l’avoir écrite !
Merci,
Merci pour votre engagement, votre droiture et votre honnêteté face à ces trusts honteux qui prospèrent sur le dos des malades, gardasil etc, on en a ASSEZ de toutes ces tromperies qui empoisonnent jusqu’aux enfants au berceau , c’est une honte ce mépris criminel indigne et inhumain, qui produit chaque jour davantage de dépendants, de drogués, d’esquintés, de morts.
On ne peut cautionner cela, indignons nous tous.
Quand je lis:
« On est loin de justifier l’utilité de la Kétamine dans les dépressions humaines et les auteurs précisent d’ailleurs eux-mêmes que les mécanismes des déclenchements, des rémissions et des rechutes des dépressions restent inconnus. »
ça me fait bondir! Ceux qui en ont pris et en sont revenus (à quel prix!) savent que les rechutes sont belles et bien dues à l’effet-rebond », à la dépendance à cette saleté de molécule qui ne résout rien, tout au plus diminue le symptôme et encore, au début. Après, les symptômes reviennent et il faut augmenter régulièrement. Et si vous essayez de vous sevrer, là, vous avez une amplification des symptômes surtout lorsque commencent les relargages des molécules dans le corps lorsque les cellules essaient d’évacuer enfin le poison. Cela produit des drogués dépendant et concerne de plus en plus de monde, directives obligent, je crois maintenant 1personne sur 3 ou sur 4… ça devient grave.
il faut bien sur accuser les évolutions de la société pour expliquer l’augmentation des déprimés , mais cette phrase m’interpelle augmentation depuis trente ans de 30 % des déprimés mais aussi depuis ces même trente ans augmentation de 25 % des allergiques , mais encore toujours dans ce même intervalle de temps apparition des syndromes fibromyalgie , asthénie chronique ,mais encore explosion des maladies auto-immunes ,explosions des lymphomes .
Alors il ne faudrait pas que la société masque une cause qui ravage les personnes par une atteinte sur l’immunité .
à revisiter mon hypothèse sur le rôle des simulies dans l »émergence de ces pathologies .
Mais là ou je suis entièrement d’accord avec Le Pr Even c’est le recul le doute voir la suspicion qui doivent de nos jour être présents dans chaque soit disant avancée therapeutique.
« Cela ne va plus durer très longtemps. Comptez sur Aimsib, Formindep, Anticor, nous-mêmes et d’autres. »
Beau cri d’espoir. Il conviendrait aussi, Professeur, de remettre en question la formation des médecins.
J’ai commencé médecine en 1969, et nos maitres étaient des personnages remarquables d’humanité et de sagesse, digne de toute notre admiration. Ils disaient simplement, nous ne sommes rien, le malade est tout, et tout était dit.
Petit à petit avec le passage des générations nous en sommes arrivé à la fabrication de ces élites médicales aux dents longues et avides d’argent, n’hésitant jamais à écraser le voisin ou le concurrent. Cet état d’esprit d’hypercompetition, j’en vois l’origine dans l’institution du numerus clausus en 1970. Cela a transformé les amphis en champ de bataille à coups vicieux pour éliminer le voisin concurrent. Cet état d’esprit s’est généralisé partout ensuite et à tous les étages de la médecine. La compétition , l’acharnement à être le meilleur, en oubliant son humanité a fabriqué ces nouveaux professeurs de médecine , avide de reconnaissance et d’argent. La corruption s’est emparé de la médecine, alors qu’elle n’a rien à y faire.
Il convient de la combattre dès le debut, en supprimant cette hypercompétition qui est devenue l’image de marque des études médicales .
N’étant pas dépressif ni anxieux de nature, j’avais zappé votre article Professeur d’autant de graves ennuis de santé de mon épouse occultait tout le reste. Il est excellent et compréhensif pour tous. C’est la marque d’un vrai professeur, humain et compétent.
@ Christian Ehrmann. Vous avez raison à propos du numérus clausus et de cet esprit de compétition qui a laissé de côté beaucoup de candidats pourtant prometteurs et a contribué au manque de médecins en France et aux déserts médicaux.
Merci Pr de faire remonter à la surface ces crimes commis dans l’ombre. En tant que chercheur, j’ai travaillé avec des personnes depressives afin de comprendre les atteintes cardiaques de la dépression. En leur parlant, il était évident que la médication qu’ils prenaient les déteuisaient plus qu’autre chose. Tout a fait d’accord avec @christian Ehrmann. Je rajouterais la pression ou les tentations qu’exerce big pharma! Je ne pense pas qu’on ai deja connu cela!
Ca a l’air d’être en bonne voie :
https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/sanofi-mis-en-examen-pour-%c2%ab-homicides-involontaires-%c2%bb-dans-le-scandale-de-la-d%c3%a9pakine/ar-BB17vwrS?li=AAaCKnE
Pourvu que la « justice » ne se laisse pas impressionner par le labo SANOFI.