Différentes corporations professionnelles américaines (notamment les cardiologues et les neurologues) vont publier en Juillet 2014 (les initiés l’ont déjà en mains) un gros document résumant ce qu’il est bon de faire pour se protéger de l’accident vasculaire cérébral (AVC).
Précisions : cela concerne la prévention secondaire des AVC ischémiques (donc pas les AVC hémorragiques) ; et “secondaire“ signifie qu’on a déjà eu un AVC ou une alerte mineure.
Mais comme tout ce qui est bon pour la prévention des récidives est évidemment bon pour empêcher un premier AVC, ce document est fondamental.
Parmi les AVC ischémiques, il y a ceux qui en meurent et ceux qui restent gravement handicapés…
Aux USA, le nombre total d’AVC ischémiques avérés ou d’alertes mineures est d’environ un million par an. Le taux de récidive après un AVC ou une alerte d’environ 5% par an.
Tout ça pour dire que ça fait partie des pires calamités dans nos sociétés et que, contrairement aux traitements des crises cardiaques, des progrès décisifs tardent à voir le jour.
Il s’agit d’un énorme document détaillant les circonstances cliniques variables où un AVC ischémique survient dans nos sociétés ; impossible de résumer ici ; on y trouve de nombreuses informations importantes et intéressantes pour les médecins traitants, y compris des détails concernant des maladies rares ; on ne va pas s’en plaindre ; il n’y a pas d’équivalent en langue française ; qu’on me détrompe si je me trompe.
Concernant les recommandations, on y trouve le meilleur et le pire.
Pour le meilleur, c’est le conseil de privilégier la diète méditerranéenne, quand on donne des conseils diététiques, on n’y croit pas, il aura donc fallu 20 ans [1994 est en effet la date de notre premier rapport sur ce modèle alimentaire qui fit tant rire les notables de l’époque ; et encore leurs descendants d’aujourd’hui …].
Pour le pire, c’est la recommandation de prescrire des statines à fortes doses. Les justifications à ce traitement sont simplement ridicules (je pèse mes mots) puisque les auteurs de ce document énumèrent de façon claire toutes les bonnes raisons de ne pas le faire, sauf une : le seul essai ayant montré un minuscule effet favorable (l’essai SPARCL) n’est pas crédible statistiquement, j’en ai parlé dans mes livres, ce qui fait qu’il n’y a scientifiquement AUCUN argument justifiant la prescription de statines chez ces patients ; et pourtant…
Les médecins ne doivent pas prescrire ces médicaments chez les patients qui ont survécu à un AVC, le code de déontologie le leur interdit, c’est aussi simple que ça !
D’autant plus qu’en ce mois d’avril 2014, les investigateurs de la grande Étude de Rotterdam ont publié les résultats de 13 ans de suivi d’une large cohorte (près de 7000 personnes), parmi lesquelles plus de 1000 ont présenté un AVC, ischémique ou hémorragique, pendant l’étude. Une banque de données fantastique pour évaluer l’importance des facteurs de risque possibles d’AVC.
Que voit-on ?
Confirmation de ce que nous savons déjà : l’hypertension artérielle, le tabac, le diabète et la fibrillation auriculaire (quelle qu’en soit la cause) augmentent le risque d’AVC ischémique ou hémorragique. Le surpoids et le cholestérol ne semblent jouer aucun rôle. Le fait d’être déjà coronarien avéré ou l’épaisseur de la paroi des artères carotides, le fameux IMT, ne semblent pas importants.
Je ne vais pas discuter ici comment on peut analyser ces résultats en détails.
Mais il est évidemment important – c’est un minimum – de séparer les AVC ischémiques et les AVC hémorragiques qui ne répondent pas aux mêmes mécanismes et mêmes causes supposées.
Malheureusement, il est parfois difficile d’être certain qu’un AVC est vraiment ischémique ou vraiment hémorragique. À Rotterdam, ils ont été capables d’identifier avec certitude 600 AVC ischémiques et 100 AVC hémorragiques.
Ces nouvelles analyses confirment que l’hypertension et le tabac sont les deux facteurs de risque majeurs d’AVC ischémiques et hémorragiques ; donc le mode de vie, tout le monde a compris …
On notera surtout que le cholestérol [y compris le supposé “mauvais” LDL] n’est pas associé à une augmentation du risque d’AVC ischémique ; mais qu’il est inversement associé au risque d’AVC hémorragique ; vous avez bien lu INVERSEMENT !
Dit autrement, plus le cholestérol est bas et plus le risque d’AVC hémorragique augmente !
Pour ceux qui avaient le cholestérol le plus haut, le risque d’AVC hémorragique était 70% inférieur par rapport à ceux qui avaient le cholestérol le plus bas.
Dernière précision, ce cholestérol abaissé avait une cause naturelle ou était un effet thérapeutique, l’effet d’une statine évidemment.
Cet effet des statines sur le risque d’AVC hémorragique a été observé dans d’autres études et essais cliniques ; c’est donc une confirmation et ceux qui nous lisent le savent déjà et ne sont pas surpris …
CONCLUSION : dans une perspective de prévention des AVC ischémiques et hémorragiques, il ne ne faut pas diminuer le cholestérol !
Si vous connaissez quelqu’un qui prétend le contraire sur une base scientifique, envoyez-le moi !