Si les géants de la pharmacie veulent continuer à gagner de l’argent avec des ventes de médicaments anticholestérol il faut alors décréter des taux sanguins acceptables de LDL-CHO extrêmement plus bas afin de vendre des statines plus dosées ou combinées, très chères, voire des produits injectables, abominablement dispendieux. Comment s’y prend-on pour habiller tout cela d’un vernis scientifique? Bonne lecture…

Une analyse critique de l’étude TST

Dans son numéro du 18 Novembre 2019, le New England Journal of Medicine publie les résultats d’une étude qui examinait les effets de fortes doses de médicaments anticholestérol sur le risque cardiovasculaire. Ce traitement visait à atteindre un cholestérol LDL de moins de 1,8 mmol/L et à le comparer à une cible de 2.3 à 2.8 mmol/L.

L’objectif était de montrer que lorsque le cholestérol est très bas, c’est ce qu’il y a de mieux pour la prévention de l’infarctus et de l’AVC.

Beaucoup mieux aussi pour les ventes des médicaments anticholestérol.

L’étude a reçu l’acronyme TST que nous utiliserons dans la suite de cette analyse.

NEJM

L’étude est curieuse. Par exemple, les patients sont recrutés parmi les survivants d’un AVC ischémique [Ischemic Stroke]. Un AVC ischémique est dû à l’obstruction d’une artère dans le cerveau ; elle est toujours due à un thrombus (un caillot, dans le langage commun) dont l’origine est variable. Or le cholestérol ne joue pas de rôle dans la formation du caillot, quel que soit son origine. Curieux de vouloir diminuer le risque de caillot par une diminution du cholestérol.

Curieux aussi le choix du critère de jugement : une multitude de complications [on dit composite outcome en anglais] n’ayant pas de rapport entre eux et pas forcément un rapport avec l’AVC ischémique et la formation d’un caillot. Par exemple, on peut faire un AVC ischémique par embolie cérébrale compliquant une arythmie cardiaque (la fibrillation auriculaire). Curieux d’espérer diminuer les arythmies par une diminution du cholestérol.

Beaucoup d’autres curiosités dans cette étude ; examinons-en quelques-unes parmi d’autres. Auparavant, on note la présence parmi les coauteurs d’une noria d’universitaires français liés aux industries du cholestérol ; mention spéciale pour les professeurs PG. Steg et E. Bruckert dont le statut de co-investigateurs dans TST signifie qu’ils ont lu et approuvé l’hypothèse, le protocole et la publication. Ils sont ainsi co-responsables, notamment sur le plan juridique.

Le principal investigateur est le Pr P. Amarenco qui porte la lourde responsabilité de cette étude, méthodes, analyses et interprétation. On note que le Pr Amarenco est confortablement lié à de nombreux industriels qui ont fait fortune (plus ou moins directement) avec les médicaments anticholestérol : Modest, Sanofi, Bristol-Myers Squibb, Amgen, Kowa, Shing Poon, Bayer, GlaxoSmithKline, Fibrogen, AstraZeneca, Pfizer, Merck, et Boston Scientific…

Tout ça pour un seul homme. Bravo ! On peut, sans ironie, se demander comment, avec tant d’accointances commerciales, le Pr Amarenco peut accomplir sans faillir sa triple tâche de soins aux patients, d’enseignement aux futurs médecins et de recherche médicale indépendante.

On laissera de côté les autres investigateurs car énumérer leurs conflits d’intérêt pourrait lasser.

Il n’est pas sans intérêt non plus – et c’est très important pour la suite – de noter que TST a été financée par le Ministère de la Santé associé aux industriels Pfizer, AstraZeneca et Merck. Voilà une pratique bien étrange à une époque de rationnement des budgets des hôpitaux et de blocage des salaires des employés des hôpitaux. Que des fonds publics soient attribués à des recherches public-privé dont les bénéficiaires sur le plan commercial seront des industriels est choquant. En effet, TST vise à démontrer qu’il faut prescrire (et vendre) plus de médicaments anticholestérol. Il est difficile de ne pas voir là une forme de détournement des deniers publics.

On peut espérer que ces financements publics ont été attribués dans le cadre d’appels d’offre officiels ; mais dans ce cas, les membres du jury qui ont approuvé cette étude sans y trouver à redire peuvent être considérés comme co-responsables, voire complices.

Les aspects les plus lamentables de TST

  • On lit par exemple “The first author and independent academic statisticians had full access to the trial databases

Le Pr Amarenco, malgré ses conflits d’intérêt, avait donc libre accès à la base de données. C’est très ennuyeux car cela signifie qu’il pouvait modifier ces données au profit des commanditaires. Ce n’est pas sûr mais ce n’est pas impossible. Pour écarter toute équivoque, les professionnels prennent des précautions : les bases de données sont gérées par des ingénieurs indépendants des investigateurs, du promoteur et des sponsors. Aucun industriel ne se permettrait de déroger à cette règle.

  • On lit plus loin “For administrative reasons, the trial was registered 9 months after the first patient had been enrolled and after 330 patients had been treated”.

C’est encore plus ennuyeux. L’inclusion des patients aurait commencé 9 mois avant que l’essai ne soit enregistré, c’est-à-dire approuvé par une entité administrative : 330 patients auraient été inclus dans un essai qui n’existait pas encore. En termes de responsabilité civile, il s’agit d’une faute que rien ne peut excuser. Si un des patients avait présenté une sévère complication, elle n’aurait pas été prise en compte par les assurances et le patient n’aurait pas été dédommagé. Il y a des exemples dans la littérature où un investigateur qui avait démarré une étude avant qu’elle soit enregistrée fut puni. Le Pr Wakefield – célèbre pour avoir décrit une entérocolite postvaccinale – fut radié de l’Ordre des Médecins britanniques pour cette raison.

Peut-être que l’entité administrative française rechignait à approuver TST (du fait des évidentes faiblesses) ; mais alors pourquoi l’avoir finalement approuvé ?

Il serait urgent que la Haute Autorité de Santé procède à quelques vérifications ; et que ces vérifications soient confiées à des enquêteurs totalement indépendants des investigateurs, promoteurs, sponsors et de toute institution (y compris le Ministère de la Santé) impliquée dans l’étude, puisque le seul fait d’avoir laissé faire est coupable.

  • On peut lire encore « We did not appoint a data and safety monitoring board, since there was no expectation of adverse events related to the LDL target strategies that were evaluated in the trial”.

On considérait que ces doses massives ne pouvaient pas être délétères [no expectation of adverse events]. C’est faire preuve d’une étonnante méconnaissance du dossier des médicaments anticholestérol. Aucun Comité d’Ethique ne pouvait approuver : tout essai clinique doit être encadré par un comité [un data and safety monitoring board] susceptible d’être consulté concernant notamment (mais pas seulement) les effets délétères du traitement testé.

Il serait urgent que la Haute Autorité de Santé procède à quelques vérifications. Aucun industriel ne se permettrait de déroger à ces règles simples.

  • Concernant le protocole, on peut lire “This randomized, parallel-group, event-driven trial was conducted at 61 sites in France...” Il n’y avait donc pas de double aveugle. Chaque patient et chaque investigateur savait dans quel groupe chaque patient était inclus.

Qu’au 21ème siècle, on puisse tester des traitements lourds sans respecter les règles basiques de la pharmacologie clinique (comportant le double aveugle) ne peut que surprendre. En fait, aucune autorisation de mise sur le marché (AMM) n’est possible en l’absence d’un essai en double aveugle, tant les possibilités de biais (intentionnels ou pas) sont nombreuses en l’absence de double aveugle.

  • Examinons le point crucial de tout essai clinique : l’hypothèse primaire. Celle testée dans TST est bien décrite : il fallait recruter 3786 patients pour détecter une différence de 25% entre les deux groupes après un suivi de 3 ans. Chaque chiffre compte : il fallait enregistrer au moins 385 complications pour tester dignement l’hypothèse primaire.

Rappelons que ce principe de l’hypothèse primaire est la seule technique qui permette de contrôler au mieux les effets du hasard. Ce principe doit être scrupuleusement respecté au risque de ruiner la crédibilité de l’étude.

C’est l’erreur fatale commise par les professeurs Amarenco, Steg, Bruckert et consorts : TST a été interrompu avant que les 385 complications requises aient été enregistrées.

Ci-dessous un extrait du tableau des résultats.

Un total de 277 complications a été enregistré : 121 dans le groupe fortement traité contre 156 dans le groupe un peu moins traité. Sauf erreur, il manque donc 108 complications [385 moins 277] pour être assuré que les conditions de l’hypothèse primaire ont été respectées.

Pourquoi est-ce très ennuyeux pour la crédibilité de TST ?

 

TST, Extrait 1

Explication : la différence en risque absolu  est très faible : 8,46% d’un côté contre 10,90% de l’autre, une maigre différence de 2,44%.

Rien ne dit que pendant le suivi nécessaire pour atteindre les 385 complications requises, un peu plus de complications surviennent dans le groupe fortement traité et rendent la toute petite différence enregistrée avec 277 complications non significative. L’hypothèse que des fortes doses de statines soient bénéfiques serait rejetée.

Les professeurs Amarenco, Steg, Bruckert et consorts ont donc eux-mêmes sabordé TST ! Pire, ils ont rendu inutile la participation de près de 3000 patients fragiles pendant plusieurs années à TST. Certains moralistes pourraient y voir une mise en danger inutile (pas de résultat crédible) de la santé de ces patients du fait des doses de médicament.

A ce point de notre analyse, on doit questionner ce procédé :

Vue l’absence de double aveugle et le libre accès aux données du Pr Amarenco et des statisticiens – fortement compromis – on pourrait suspecter que TST a été stoppée au moment où une petite différence significative était apparue entre les deux groupes.

Mais ce n’est pas sûr. Pour éviter ces ambiguïtés, des règles strictes ont été imposées dans la conduite des essais cliniques. Y déroger expose à perdre toute crédibilité. En ne s’y conformant pas, les Pr Amarenco, Steg, et Bruckert ont commis une faute éthique.

En effet, la Loi Huriet (qui régit toute expérimentation humaine en France) dit qu’une étude n’est acceptable qu’à la condition que l’information qui en découle profite à tous les participants.

Avec TST, il n’y a pas d’information utile puisque les résultats ne sont pas crédibles. Il serait urgent que la Haute Autorité examine les procédés mis en œuvre dans TST.

D’ores et déjà, puisque aucune voix ne se fait entendre dans les sociétés savantes et les institutions pour critiquer TST, on peut évoquer (outre une médiocrité générale) une sorte de Loi du silence, mêlant confraternité et loyauté à des instances industrielles et commerciales plutôt que de privilégier transparence et vérité.

  • Si le New England Journal of Medicine n’était pas un journal commercial un journal dont on peut acheter les pages – TST n’aurait pas été publié car ni la méthodologie ni les résultats ne sont scientifiquement crédibles. Pire, TST va provoquer de la confusion chez les prescripteurs et pourrait mettre en danger leurs patients s’ils appliquaient aveuglément les résultats de TST.
  • Les investigateurs de TST ne redoutaient aucun effet délétère “since there was no expectation of adverse events related to the LDL target strategies that were evaluated in the trial”. Ils ont pourtant enregistré des complications comme l’indique, très discrètement, le bas du Tableau des résultats.

 

TST, extrait 2

Il y a plus de nouveaux diabétiques et plus d’AVC hémorragiques dans le groupe fortement traité. Ce sont des complications bien connues des statines. Les Pr Amarenco, Steg, Bruckert et consorts les ont-ils volontairement négligées ?

  • Ce n’est pas la première fois que le Pr Amarenco est à l’origine de douteuses recherches médicales. Ce fut le cas avec l’Etude SPARCL qui sert pourtant de principal argument pour la prévention des AVC par les statines. Un seul essai clinique biaisé a donc fait que des centaines de millions de patients ont dû subir des traitements anticholestérol inutiles et toxiques pendant des décennies autour de la planète. (1)

Lors de la publication de SPARCL, nous avions des doutes concernant l’origine des erreurs : le Pr Amarenco avait-il été manipulé par le promoteur de l’étude ? Apparemment laissés à eux-mêmes dans TST, les Pr Amarenco, Steg, Bruckert et consorts renouvellent, mais en pire, les fautes méthodologiques de SPARCL.

  • En fait, TST expose au grand jour les noirceurs de toute une communauté scientifique et médicale.

Aucun des cosignataires de TST ne peut échapper à notre profond scepticisme quant à ses compétences médicales et scientifiques. Quoiqu’ils disent, diront ou avaient dit, nous savons  désormais qu’il ne faut pas [qu’il ne fallait pas] et [qu’il ne faudra plus] les écouter.

Il y a certes dans les institutions et le Ministère ceux qui ne disent rien par ignorance ce qui n’est pas moins grave [car qui ne dit mot approuve], mais que penser des agences sanitaires en charge de faire respecter l’éthique et la Loi ?

Que dire des Sociétés savantes – notamment les Sociétés Françaises et Européennes de Cardiologie et de Neurologie – qui promulguent des recommandations et guidelines que les médecins se doivent de respecter ?

 

Conclusions

Puisque TST et SPARCL sont biaisés et doivent être rejetés, il n’y a pas de justification à la prescription de statines après un AVC.

TST expose au grand jour les médiocrités de l’époque. C’était donc ça la science du cholestérol et des statines que les Pr Amarenco, Steg, Bruckert et consorts défendent avec acharnement ? Les masques sont tombés.

Acteurs d’une pitoyable épopée, plus personne ne peut prendre les Pr Amarenco, Steg, Bruckert et consorts au sérieux. Juridiquement responsables, ils font honte à la science médicale.

« La tache est sur leurs mains et elle ne s’effacera pas », comme on disait de Lady Macbeth…

Il faut surtout espérer qu’aucun prescripteur ne suivra les inévitables consignes d’intensification de traitement anticholestérol que les académies et autorités sanitaires ne vont pas manquer d’imposer via leurs amis des sociétés savantes liées à l’industrie.

 

 

Note et sources
(1) http://www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJMoa061894
SPARCL est paru en 2006 et souhaitait placer sur orbite le Tahor© dosé à 80mg/j en préventions secondaires des AVC et autres évènements cardio-vasculaires. Un suivi de 5 ans (seulement) fut réalisé autour de 5000 patients recrutés, on sut plus tard que l’industriel Pfizer avait eu accès à tous les stades de la réalisation de cet essai. Nous avons déjà eu l’occasion de dénoncer la tricherie manifeste dont fait montre cette étude ici: https://www.aimsib.org/2017/04/06/statines-et-douleurs-musculaires-qui-desinforme-qui-partie-2/
SPARCL fut absolument négatif, (p=0,05 et non <0,05, pas de chance).  Il y eu même plus de morts sous Tahor© 80mg que sous placebo (cf infra) mais Pfizer entonna un air de victoire tellement bien colporté que dans le monde entier, encore aujourd’hui, la plupart des cardiologues et des neurologues se basent sur les résultats de SPARCL pour proposer une prévention secondaire par statines dans les AVC… Certains mythes ont la vie dure…

 

SPARCL, Table 2

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