À tous ceux qui pensent que l’AIMSIB se complaît perpétuellement dans la dénonciation systématique des effets adverses liés aux produits de santé, considérez ceci : un jour de 2008, les autorités sanitaires françaises se sont crues confrontées à une avalanche d’effets secondaires post-vaccinaux alors que la publication à l’origine de cette crainte ne le montrait même pas. Ce qui est intéressant ici c’est d’étudier la raison pour laquelle nos élites ont perçu une catastrophe sanitaire dont l’existence cependant possible n’avait pas été établie, et la manière qu’ils ont choisie pour nous camoufler leurs pseudo-découvertes de l’époque. Ce qui du coup revient à expliquer les raisons pour lesquelles ils ne voient toujours rien venir ou affectent de ne jamais rien voir en matière d’effets secondaires post vaccinaux : car aucune de leurs désastreuses méthodes de travail n’a jamais changé depuis 2008. Ceci a l’air compliqué, voire obscur ? Presque pas, Bernard Guennebaud est de retour ! Bonne lecture. 

 

Résumé

Le fameux signal statistique sur les « observants » au calendrier vaccinal fit beaucoup de bruit à partir du 25 septembre 2008. En réalité il n’existait pas ! Ce fut le fruit de 3 erreurs cumulées :
1- tester en cas-témoins alors que le test portait sur des délais, c’est à dire une fenêtre temporelle,
2- laisser traîner dans les calculs les cas et témoins pour lesquels les délais ne sont pas définis,
3- appliquer aux seuls cas le résultat du test entre les cas et les témoins, c’est à dire affirmer avoir testé telle chose alors que c’était une autre qui avait été testée !

 

Introduction

Réunis en urgence, les Comités institutionnels, sans nier l’existence du signal statistique, affirmeront que le résultat avait un très fort risque d’être aléatoire alors qu’il n’était que de 5 %.

Cette affaire offre l’opportunité de rappeler certains fondamentaux incontournables des tests statistiques et qui semblent totalement ignorés et pourrait précipiter l’expertise dans le ridicule s’il y avait un public pour le comprendre.

Chacun se souvient du fameux résultat significatif trouvé  par l’équipe de Marc Tardieu  sur les enfants dits  « observants » au calendrier vaccinal et qui étaient statistiquement trouvés plus à risque de sclérose en plaques s’ils étaient vaccinés plus tard contre l’hépatite B avec le vaccin Engerix B de GSK. Ce fut une énorme affaire qui s’étala sur la place publique et qui mis le président du CTV Daniel Floret en ébullition avec réunion au ministère dès le mercredi 24 sept 2008, la publication étant prévue pour le 8 octobre (*). Le lendemain à 9h45, le journal Le Monde annonce qu’il s’est procuré l’étude et parle d’un résultat significatif pour les ‘’observants’’ au calendrier vaccinal. Daniel Floret, constatant que la presse s’était  déjà emparée du sujet (informée par qui ?), annonce aussitôt  une conférence de presse pour l’après midi. Réunion en urgence du CTV (pour le dimanche qui suivait, avait même dit son président …) et de la Commission nationale de pharmacovigilance le lundi avec publication de son compte-rendu le lendemain (généralement le délai est d’au moins 8 jours).

(*) Pour l’anecdote, c’est la revue britannique [3] qui allait publier l’article qui avait lancé l’affaire en annonçant que la publication, prévue pour le mois de décembre, était avancée de 2 mois en raison d’un résultat important pour la France. Notons que la Grande Bretagne ne vaccinait pas les enfants contre l’hépatite B (de même d’ailleurs que la Suède ainsi que d’autres pays européens). Cette initiative a sans doute surpris les auteurs qui avaient prévu d’annoncer le résultat par une conférence de presse le 8 octobre …

La conférence de presse de Marc Tardieu, annoncée pour le 8 octobre, jour de la publication de l’étude, sera INTERDITE par le ministère une heure avant au motif qu’il ne pouvait parler le jour de la publication de l’avis du HCSP. Elle n’aura JAMAIS lieu.

Le 14 octobre, dans un communiqué, l’Académie de Médecine « regrette … la médiatisation hâtive » [5]. Fin octobre le journal Le Monde note que  la conférence de presse de Marc Tardieu n’a toujours pas eu lieu. Le 4 mars 2009, à un colloque(**) sur les vaccinations organisé par des parlementaires à la Maison de la Chimie, le sénateur Paul Blanc annoncera que Marc Tardieu devait venir mais  »il n’est pas venu » se contentera-t-il de dire…

(**) Pour donner une idée de l’importance de ce colloque auquel j’avais assisté, 4 grands producteurs de vaccins étaient représentés ; le directeur général de la Santé Didier Houssin  manifesta son désir de pandémie, inévitable et qui devrait arriver un jour ou l’autre ; un mois plus tard, il allait être servi ! la ministre Roselyne Bachelot viendra y faire un discours.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, il n’y avait en réalité AUCUN signal !!!  Aucun commentateur de cette affaire ne s’en était aperçu. La démonstration de ce fait va me permettre, chemin faisant, de mettre en évidence de grossières erreurs techniques communes à toute l’expertise française et internationale. Elles ne concernent donc pas que les auteurs. C’est d’ailleurs pourquoi aucun commentateur ‘’autorisé’’ n’en avait pris conscience.

Le groupe des « observants » au calendrier vaccinal

Le 8 octobre 2008 les auteurs publiaient [3] un résultat significatif relatif au sous-groupe qualifié  »d’observants au calendrier vaccinal », c’est à dire les enfants, cas et témoins, ayant reçu 4 DTP, 1 ROR et 1 BCG avant l’âge de 2 ans. Bien que publié près d’un an plus tard, ce résultat complète les données et tests de la publication de décembre 2007 sur l’apparition de la sclérose en plaques. Les auteurs y ont trouvé un facteur d’exposition donnant un signal statistique avec un odds ratio OR=2,77 et un intervalle de confiance IC 95% [1,23 6,24] significatif. Voici la conclusion du résumé :

La  vaccination contre l’hépatite B n’augmente généralement pas le risque de démyélinisation inflammatoire du système nerveux central pendant l’enfance. Cependant, le vaccin Engerix B semble augmenter ce risque, en particulier pour la sclérose en plaques confirmée, à long terme. Nos résultats doivent être confirmés dans les études futures.

 

Voici les données : « Les observants au calendrier vaccinal »

Vaccinés hépatite B 72 cas dont 30 vaccinés par Engerix B 347 témoins dont 91 vaccinés par Engerix B
Engerix B < 3 ans 11 43
Engerix B > 3 ans 19 48
Non Vaccinés par Engerix B 42 256

 

Pour que ce soit clair, les 72 cas et leurs 347 témoins étaient tous observants au calendrier vaccinal. Les éventuels cas ‘’observants’’ et qui n’avaient aucun témoin associé observant n’avaient pas été retenus. Le groupe significatif est caractérisé par (ligne 3) :
1- 30 cas et 91 témoins qui avaient été vaccinés par Engerix B ;
2- pour 19 de ces cas, la première atteinte démyélinisante était apparue plus de 3 ans après cette vaccination.

Il s’agit donc d’un test sur des délais c’est à dire ici sur une fenêtre temporelle.

Ce terme serait mieux choisi mais il est long à écrire, aussi je parlerai de délais. En conséquence, la seule bonne méthode consiste à comparer directement les nombres de cas apparus au cours du délai testé (au delà de 3 ans) et du délai complémentaire (les 3 premières années), soit 19 cas d’une part et 11 d’autre part. Il faut tester avec la seule modélisation disponible dans cette situation, une loi de Poisson. Cela demande des délais précis, aussi je vais supposer que les 19 cas apparus au delà des 3 premières années le furent au cours des années 4, 5 et 6 cumulées. Comme le résultat ne sera pas significatif, il le serait encore moins s’il y avait moins de cas sur cette période. On compare donc 11 et 19 sur une même durée en supposant que les nombres de cas apparus suivent une même loi de Poisson. Le test donne une probabilité de 7,1% pour obtenir un écart au moins aussi important que celui observé. Ce n’est donc pas significatif car il faudrait qu’elle soit inférieure à 2,5% au niveau usuel du test significatif en épidémiologie.

 

La question se pose alors : pourquoi le test cas-témoins est-il significatif alors que celui qui porte directement sur les cas ne l’est pas ?

La réponse est double :

 1- Le test cas-témoins compare les cas aux témoins. Un résultat significatif signifie seulement que les proportions de cas par rapport aux témoins n’évoluent pas  de la même façon quand on passe du délai testé  à son délai complémentaire. Par contre, il n’apporte aucune information sur la variation du nombre de cas entre ces 2 délais alors que  le test sur les cas par une loi de Poisson apporte cette information.  Utiliser le cas-témoins pour tester sur des délais est une aberration  car les délais constituent par eux-mêmes un système de référence où on attend le même nombre de cas sur des durées égales, par exemple chaque année. L’objet du test par une loi de Poisson sera de vérifier si les écarts observés sont compatibles avec des variations aléatoires. En utilisant des témoins on introduit un deuxième système de référence qui n’a rien à faire dans l’étude de la répartition des cas selon les délais.

2- Le test cas-témoins pratiqué par les auteurs comporte en plus une erreur technique monumentale : ils ont conservé dans les calculs les cas et témoins non vaccinés Engerix B pour lesquels le délai entre la vaccination par Engerix et la date du début de la maladie n’est pas défini.

Comment ce pseudo-signal  a-t-il été créé ?

On peut le comprendre facilement : il y a 2,5 témoins exposés pour un cas exposé (48/19). Mais pour ceux qui ne devraient pas figurer dans les calculs car non vaccinés par Engerix B, il y a 6 témoins pour un cas (256/42).

 C’est cette différence importante de proportions qui crée le signal qui n’existe que parce que les auteurs ne savent pas utiliser correctement les tests statistiques. Mais ils ne sont pas les seuls et ils ne sont pas individuellement responsables, c’est leur formation qui est en cause, d’ailleurs personne ne s’en était aperçu.

Toute cette agitation (d’ailleurs dénoncée par l’Académie de Médecine dans son communiqué du 14 octobre 2008  [5]) parce que pour les experts il va de soi que l’on peut laisser traîner dans les calculs des cas non vaccinés pour étudier l’existence et la durée d’une éventuelle incubation d’une maladie à partir de cette vaccination. Analogiquement cela reviendrait à utiliser des souris non fécondées pour étudier la durée de gestation !

À peine croyable !!!

En fait cela s’explique par l’usage qui est fait du logiciel de statistique. Une étude épidémiologique débute par la collecte de données médicales. Celles qui seront retenues pour l’étude sont envoyées au logiciel. Les auteurs choisissent un facteur d’exposition comme celui  utilisé ici : « la maladie apparaît plus de 3 années après la vaccination par Engerix B ». Le logiciel sélectionne alors les cas et témoins qui satisfont à ces conditions. Il trouve 19 cas et 48 témoins. Ce seront les cas et témoins dits ‘’exposés’’. Les autres, tous les autres, seront les ‘’non exposés’’. Parmi eux il y aura non seulement les cas et  témoins vaccinés par Engerix B mais aussi ceux qui ne l’ont pas été et qui n’avaient aucune chance d’appartenir aux délais testés.

Peut-être que certains lecteurs ne sont pas encore convaincus par mes explications. Alors voici une simulation pédagogique montrant que les Shadocks sont dépassés !

Quand 15 devient significativement supérieur à 15 !

Voici ce qu’on peut obtenir en modifiant un peu les données relatives aux observants et en leur appliquant la même méthode que celle des auteurs, méthode validée à l’international comme l’attestent d’autres publications comme celle de Langer Gould qui présente 72 tests tous sur des délais, tous en cas-témoins et tous conservant dans les calculs les cas et témoins pour lesquels les délais ne sont pas définis !

 

Pour distinguer les nombres égaux, je les ai marqués par des primes. 

Vaccinés hépatite B 75 cas dont 30 vaccinés

Engerix B

405 témoins dont 90 vaccinés Engerix B
Engerix B < 3 ans 15 45
Engerix B > 3 ans 15’ 45’
Non Vaccinés

Engerix B

45’’ 315

 

Quand on teste par rapport aux 3 premières années, c’est à dire avec 15 cas et 45 témoins exposés on aura 15’+45’’=60 cas non exposés ainsi que 45’+315=360 témoins non exposés. Le test est significatif. On l’acceptera aisément car 15/45=1/3 alors que 60/360=1/6 qui donne un odds ratio OR=2.

La probabilité associée au test vaut 1,71 %. Selon l’usage, la conclusion sera que le premier 15 est statistiquement augmenté par rapport au second 15’ !!!!!

Maintenant, si on teste par rapport aux cas et témoins apparus après les 3 premières années, les cas et témoins exposés sont 15’ et 45’ alors que les cas et témoins non exposés seront 15+45’’=60 et 45+315=360, les non vaccinés Engerix étant non exposés quels que soient les délais.

La conclusion sera donc que ce 15’ est statistiquement augmenté par rapport au premier 15 qui lui même est statistiquement augmenté par rapport au second, le 15’ ….Non, les Shadocks ne sont pas morts !!!

Les témoins sont neutres parce qu’ils sont des témoins !

La principale erreur commise par l’expertise ici est qu’elle admet comme allant de soi que les témoins sont neutres par rapport aux délais. En fait, avec ces deux systèmes de références que sont les délais et les témoins, on dispose de deux tests très différents et qui ne testent pas la même chose. Cependant, si les témoins sont neutres par rapport au délai testé et à son délai complémentaire -ce qu’on teste en modélisant par une loi de Poisson – les deux tests donneront les mêmes résultats. C’est à dire qu’ils seront tous les deux non significatifs ou tous les deux significatifs avec à peu près la même force. Dans ces conditions, un résultat significatif en cas-témoins indiquera un résultat significatif par Poisson. Mais pour vérifier que les témoins sont neutres, il faut les tester directement sur les délais par Poisson. Autant le faire de suite sur les cas sans passer par l’inutile et risqué  détour des témoins.

Que tout soit très clair : Quand on teste sur des délais, les témoins sont inutiles. Espérons que maintenant vous soyez tous convaincus qu’il y a là un très gros problème méthodologique que nous n’avons pas le droit de laisser passer sans rien dire ni rien faire. Pour contribuer à améliorer notablement la qualité de l’expertise, si celle-ci veut bien un jour accepter de se remettre en cause.

Car avec ce système qui poursuit imperturbablement sa route et qu’on appelle la santé publique, la santé du public est entre de bonnes mains !!!

Une bonne idée mal réalisée ?

Et si les auteurs avaient eu une bonne idée mais l’avaient seulement mal réalisée en ne choisissant pas le meilleur délai ? En effet, les commentateurs « autorisés » n’ont pas montré qu’il n’existait pas de signal  pour un autre délai que celui choisi par les auteurs et qui donnerait le résultat  qu’ils pensaient avoir obtenu. Par exemple pour les années 3+4 cumulées qui paraissent beaucoup plus favorables. Voici une simulation compatible avec les données publiées et qui en montre la possibilité avec, pour les vaccinés Engerix, 16 cas sur les années 3+4 cumulées et 7 pour chacune des années 1+2 et 5+6 cumulées. En modélisant par une loi de Poisson, on compare les 16 cas apparus au cours des années 3+4 aux 14 cas apparus au cours des années 1+2+5+6. La probabilité significative associée au test est 2,1 %.

 

Années

Cas vaccinés HB

1

14

2

14

3

18

4

16

5

9

6

3

>6

6

CAS vaccinés Engerix B 11 cas 19 cas > 3 ans
Répartition par année 3 4 4 12 4 3 0
avec 2 années cumulées 7 16 7 0

 

Un biais de sélection caractérisé

En réalité pour couronner le tout,  il existe aussi, très vraisemblablement, un biais de sélection vers lequel j’ai été conduit par la remarque suivante :

Si le fait d’être observant au calendrier vaccinal favorisait l’apparition d’atteintes démyélinisantes et de scléroses en plaques après vaccination hépatite B, cela devrait réduire la durée entre cette vaccination et l’apparition de la maladie.

Le signal devrait donc se manifester de préférence sur les premières années plutôt qu’au delà.

Voici la répartition des cas vaccinés pour Engerix B :

Années 1, 2 et 3 >3
Cas vaccinés Engerix B 25 25
Cas vaccinés Engerix B et  »observants » 11 19

 

On constate que le critère  »observants » élimine beaucoup plus de cas (14) parmi les 3 premières années que les suivantes (6) alors que les nombres de vaccinés Engerix B sont initialement les mêmes (25). Il y a au moins une raison bien spécifique à cela. En effet, n’étaient retenus dans l’étude que ceux dont la première atteinte apparaissait avant la limite de 16 ans. Aussi, ceux qui ont été vaccinés dans les 3 années qui précèdent la barrière à 16 ans ne pourront pas figurer parmi ceux dont la première atteinte est apparue au delà des 3 premières années :

Ceux vaccinés par exemple en 1996 à l’âge de 14 ans  étaient nés en 1982. Il y avait donc très peu de chance pour qu’ils reçoivent le vaccin ROR avant l’âge de 2 ans. Aussi, ce critère les élimine automatiquement. Par contre, ceux qui figurent parmi les 25 cas vaccinés Engerix B et apparus au delà de la troisième année devaient avoir été vaccinés plus jeunes (en particulier en classe de sixième au collège entre 1994 et 1998) et pouvaient donc être nés plus tard, ce qui offrait plus d’opportunités pour qu’ils aient aussi reçu le ROR avant l’âge de 2 ans.

Le critère « avoir reçu le ROR avant 2 ans » va donc créer un biais de sélection caractérisé en éliminant spécifiquement des cas, ce qui ne permet pas d’étudier valablement la question posée.  Il faudrait procéder ainsi : les auteurs connaissent les dates des vaccinations hépatite B ainsi que les dates d’apparition de la première atteinte ainsi que de la sclérose en plaques. Ils disposent aussi du carnet de santé. Il devrait donc être possible d’étudier si on observe des différences significatives entre ces délais selon le statut vaccinal de l’enfant en évitant de mélanger des enfants ayant des suivis très différents comme des enfants vaccinés à 11 ans et d’autres à 15 ans par exemple avec la même  barrière à 16 ans. Il devrait paraître indispensable d’étudier tout particulièrement ceux qui ont été vaccinés au collège en classe de sixième et qui ont tous la même durée de  suivi.

Par exemple, avec les données disponibles on peut dire que l’âge moyen de la première atteinte démyélinisante pour ceux qui convertiront  en sclérose en plaques dans les limites du suivi est 11,5 ans contre 7,8 pour les premières atteintes  démyélinisantes non devenues SEP. Comme la date retenue est la date de la première atteinte et non du début de la SEP proprement dite, les âges des 2 groupes peuvent être comparés. Cet écart de 3,7 années est énorme comparé aux âges absolus. Pour ces âges moyens, les données publiées cumulent les cas vaccinés et non vaccinés contre l’hépatite B.

Il serait évidemment très intéressant de connaître ces âges moyens pour, d’une part le groupe des vaccinés HB et d’autre part celui des non vaccinés HB. Supposons que l’écart entre les âges moyens des SEP et des non SEP soit beaucoup plus élevé dans l’un des groupes que dans l’autre, on aurait alors une information très importante. Elle est enfermée dans les données dont les auteurs disposent. Elle doit être publiée.

On disserte beaucoup sur la démocratie sanitaire. Ce fut l’un des thèmes du congrès de la SFSP  à Lille (4-6 nov 2011) et auquel j’avais assisté.

Si l’on veut que la démocratie sanitaire ne soit pas un vain mot, il serait indispensable que les données des études soient accessibles aux citoyens motivés qui en feraient la demande.

Invocation au dieu Hasard pour casser un signal qui n’existait pas

Cette affaire fut très révélatrice car, à l’exception des auteurs, les commentateurs  »autorisés », agissant individuellement ou regroupés en Comités officiels, furent très motivés pour casser ce signal. Aucun  ne fut capable de comprendre comment il avait été artificiellement crée par le cumul d’erreurs techniques monumentales. Cette incapacité va se révéler et s’expliciter par les arguments qu’ils vont avancer pour tenter de casser ce signal sans pour autant en nier l’existence comme il était pourtant possible et facile de le faire. Tous vont affirmer péremptoirement que ce résultat « présentait les caractéristiques d’un résultat fortuit « .

– Le risque de première espèce

Ce fut donc pour tenter de neutraliser l’impact médiatique du pseudo-signal statistique relatif aux  »observants » au calendrier vaccinal, que le risque de première espèce fut avancé. Tout particulièrement par la Commission nationale de pharmacovigilance qui développa cet argument dans son compte-rendu du 30 septembre 2008 [4].

Compte tenu de l’ensemble des analyses de sous-groupes réalisées, et donc de la multiplicité des tests qui ont été effectués (environ 160), il existe une augmentation très importante du risque de première espèce, et la probabilité de détecter une association significative par le simple fait du hasard est donc très élevée

 

Le risque de première espèce sera aussi avancé sur la place publique, d’abord par le président en exercice du CTV Daniel Floret au cours de sa conférence de presse du 25 septembre 2008 puis aussi, à la télévision,  par Dominique Costagliola considérée comme une de nos meilleurs experts sur le plan théorique : « – à force de triturer les données on finit toujours par trouver quelque chose ! »

Affirmation confirmée dans le résumé du compte-rendu de la Commission nationale de pharmacovigilance : «- les résultats de l’analyse du sous-groupe d’enfants ayant respecté le calendrier vaccinal présentent les caractéristiques d’un résultat fortuit. »

– Le risque de première espèce, c’est quoi ?

Admettons que l’on veuille veut tester un dé pour savoir s’il est équilibré par rapport à l’as.

S’il l’est effectivement et qu’après avoir réalisé une série de 120 jets on décide de tester cette hypothèse au seuil de 5%, on aura 5% de chances d’obtenir un résultat significatif d’un déséquilibre. Le risque de première espèce est, par définition, le risque de refuser une hypothèse vraie. Ce risque sera ici de 5 %.

Si on répète 100 fois cette expérience de façon indépendante, ce qui demande de lancer le dé 12 000 fois, on obtiendra en moyenne 5 expériences (constituées chacune de 120 jets) qui donneront un résultat significatif d’un déséquilibre alors que le dé est parfaitement équilibré par rapport à l’as. Mais encore faudra-t-il avoir la possibilité de lancer le dé 12 000 fois et de façon aléatoire à chaque fois. C’est bien le problème pour cette affaire sur les  »observants » au calendrier vaccinal :

Il y a eu confusion entre une multiplicité de tests crée par :
1 – la répétition d’une expérience en testant à chaque fois la même chose mais  avec  de nouvelles données
2 – en faisant varier l’objet du test sur les mêmes données.

 

L’exploration des données

Ayant lancé 120 fois un dé on décide d’explorer les données ainsi : d’abord on teste si le nombre d’as obtenus est conforme à la moyenne attendue, soit 20 si le dé est équilibré et qu’il a été correctement lancé pour créer à chaque jet des conditions aléatoires. Ce sera le premier test. Puis on teste l’équilibre du dé par rapport au nombre de 2 obtenus, de 3 etc. Puis on poursuit avec l’événement  »on a obtenu l’as ou le 2 » dont la moyenne attendue est 40. On poursuit ainsi en testant sur les jets de rang pair, de rang impair, entre le 32ième jet et le 87ième etc… On peut ainsi multiplier les tests sur les mêmes données. Il faut évidement comprendre qu’on ne crée pas de nouvelles données en faisant varier l’objet du test au sein des mêmes données. L’augmentation du risque de première espèce n’est donc pas engagé dans ce processus.

C’est exactement ce qui se produit pour la vingtaine de tests présentée dans le tableau 2 de la publication Mikaeloff-Tardieu de décembre 2007 [2], où les auteurs modifient l’objet du test au sein des mêmes données exactement comme avec les 120 jets du dé. Il n’y a aucune donnée nouvelle.

Il s’agit, sans discussion possible, d’une exploration des données collectées, en aucun cas de la répétition d’une expérience qui apporterait de nouvelles données comme ce pourrait être avec les données allemandes ou italiennes ou pour une autre période suffisamment décalée.

Dans la situation présente, affirmer qu’il s’agirait du risque de première espèce revient à ceci :

Après avoir compté le nombre de voix obtenues par un candidat à une élection, puis compté les voix obtenues par de nombreux autres candidats, il serait affirmé très autoritairement que cela a très certainement modifié la proportion des voix obtenues par le premier candidat. Pour modifier ce nombre il faut soit retirer des bulletins de l’urne, soit en ajouter en provenance d’autres…

Conclusion

Avec cet article et le suivant j’espère faire comprendre que la collecte de données médicales, aussi importante qu’elle soit, n’est pas le seul problème. Que les conflits d’intérêts, aussi préoccupants qu’ils puissent être, ne sont pas tout. Il ne suffit pas de faire une collecte parfaite de données médicales et d’être totalement désintéressé pour produire des résultats incontestables.

Il faut aussi appliquer correctement les tests statistiques utilisés en toute fin d’étude pour que les données collectées révèlent ce qu’elles contiennent en secret et non pas d’autres choses qui ne s’y trouvent pas.

Un mésusage des tests statistiques peut tout aussi bien produire des signaux qui n’existent pas que neutraliser des signaux qui existent.

La compréhension des problèmes posés par l’utilisation des tests statistiques demande un investissement mental mais ce n’est pas si compliqué, il faut s’y plonger. L’eau est froide ? Il faut y aller, elle deviendra bonne !

Il FAUT y aller et s’investir suffisamment dans ce domaine car c’est la seule arme consistante pour avoir une chance non seulement de résister mais de passer à l’offensive face à une propagande qui n’a plus peur de rien sauf du ridicule.

Elle s’appuie, cette propagande, sur des résultats présentés comme étant LA SCIENCE alors que cette science pourrait aisément sombrer dans le ridicule. Mais pour être ridicule encore  faut-il qu’il y ait un public, un public qui comprenne suffisamment comment elle procède, volontairement ou non – c’est selon les situations et peu importe – pour pouvoir lui crier au visage qu’elle est ridicule.

 

 

« Le pire de tout : ne pas savoir qu’on ne sait pas. » Bernard Guennebaud

 

 

 

Sources:
[1] https://academic.oup.com/brain/article/130/4/1105/275673 étude Mikaeloff-Tardieu février 2007. Texte complet en accès libre.
[2] http://archpedi.ama-assn.org/cgi/content/full/161/12/1176  étude Mikaeloff-Tardieu décembre 2007. Texte complet en accès libre.
[3] http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18843097  étude Mikaeloff-Tardieu octobre 2008. Résumé seul.
[4] http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/44c88f6d7ce134fc2c4f0a337ce33109.pdf  Compte-rendu Commission de pharmacovigilance. (30 septembre 2008)
[5] http://www.academie-medecine.fr/la-vaccination-contre-lhepatite-b-en-france-maintien-des-recommandations-et-renforcement-de-la-couverture-vaccinale/ Communiqué de l’Académie de Médecine du 14 octobre 2008.

Auteur de l'article :

Lire tous les articles de

Aller au contenu principal