Il ne faut plus s’étonner de rien. Plutôt que de tenir l’opinion publique informée heure par heure de l’avancée de l’enquête menée par tous les services secrets du monde pour débusquer et mettre hors d’état de nuire les auteurs de la diffusion de Monkeypox dans des pays aussi proches du Nigeria que la Belgique, l’Australie ou la Scandinavie, la France se ridiculise encore une fois autour d’une bataille sans vainqueur pour savoir si des vaccins se révèleront plus efficace que des médicaments pour traiter le problème. Navrant mais constant, avec toujours les mêmes vieilles lunes imbéciles qui ressortent de la naphtaline, c’est encore notre variologue préféré, Bernard Guennebaud, qui vous explique le désastre en préparation. Bonne lecture. 

Avec l’arrivée surprise du monkeypox en Europe et en particulier en France, le Ministère de la Santé a aussitôt sollicité les deux institutions prévues en de telles circonstances, le HCSP (Haut Conseil de Santé Publique) et la HAS (Haute autorité de santé), pour qu’elles formulent des avis sur la conduite à tenir face à cette nouvelle situation.

La HAS va dégainer la première, dès le 20 mai :

Avis n° 2022.0034/SESPEV du 20 mai 2022 du collège de la Haute Autorité de santé relatif à la vaccination contre Monkeypox

  • « La HAS recommande la mise en œuvre d’une stratégie vaccinale réactive en post-exposition avec le vaccin de 3ème génération uniquement (au vu de son profil de tolérance, meilleur que celui des vaccins de 1ère et 2ème génération et de son efficacité), administré idéalement dans les 4 jours après le contact à risque et au maximum 14 jours plus tard avec un schéma à deux doses (ou trois doses chez les sujets immunodéprimés), espacées de 28 jours, pour les cas suivants : Les personnes adultes contacts à risque d’exposition au virus de Monkeypox tels que définis par Santé publique France, incluant les professionnels de santé exposés sans mesure de protection individuelle. » (1)

Voici ce que dira le HCSP dans son avis du 24 mai dont voici le résumé :

HCSP : Conduite à tenir autour d’un cas suspect, probable ou confirmé d’infection à Monkeypox virus

  •  » Le HCSP recommande en priorité de mettre en place un traitement de support adapté si nécessaire (traitement d’une fièvre mal tolérée, d’une encéphalite, d’un sepsis, d’une surinfection cutanée ou respiratoire bactérienne). Concernant les différentes thérapeutiques disponibles (antiviraux, immunoglobulines spécifiques) contre le MPXV et la doctrine de recours à ces dernières, et selon expertise au cas par cas, le HCSP recommande :
  • 1- De ne pas traiter systématiquement tous les cas confirmés avec un antiviral ou des immunoglobulines.
  • 2- De discuter de façon collégiale (infectiologue référent, praticien prenant en charge le patient et le cas échéant l’ANSM et le CNR) l’opportunité d’un traitement spécifique pour les populations cibles (immunodéprimés dont les personnes vivant avec le VIH, femmes enceintes, sujets jeunes) ;
  • 3- De hiérarchiser les thérapeutiques spécifiques si leur indication est jugée nécessaire :Utiliser le tecovirimat en première intention, du fait de sa disponibilité par voie orale et sa tolérance.– Utiliser le brincidofovir en deuxième intention, sous réserve de disponibilité (avantages : voie orale, meilleure tolérance que le cidofovir).– Utiliser le cidofovir en troisième intention, en raison de ses inconvénients : voie injectable, forte toxicité rénale et hématologique ainsi qu’un potentiel effet carcinogène, tératogène et reprotoxique. Ce produit est actuellement disponible en accès compassionnel.
  • Réserver les immunoglobulines humaines anti-vaccines (VIG) pour des populations particulières, lorsque les antiviraux ne peuvent pas être utilisés : femmes enceintes, jeunes enfants avec poids de moins de 13 kg. » (2)

On constate que le résumé de l’avis du HCSP ne parle ni de vaccins, ni de vaccination des contacts non malades.

Deux positions exactement antinomiques, alors quid ?

Le HCSP privilégie clairement le traitement des cas ayant des symptômes contrairement à l’avis de la HAS qui privilégie la vaccination des contacts non malades. La mise en œuvre de cette recommandation de la HAS par une vaccination à deux doses espacées de 28 jours paraît plus que problématique puisque dans son avis, la HAS affirme que :

  • « La durée d’incubation (intervalle s’écoulant entre l’infection et l’apparition des symptômes), le plus souvent comprise entre 6 et 16 jours, pouvant aller de 5 à 21 jours. »

Comme cette vaccination est destinée aux personnes pouvant être en incubation de la maladie, on ne voit pas comment il serait possible de faire deux injections à 28 jours d’intervalle et même trois doses pour les immunodéprimés. Sauf à admettre que l’objectif serait aussi de vacciner les faux contacts avec deux doses.

Quand le HCSP se déjuge … dans le même avis

Certes, le HCSP recommande de confier un rôle important aux médecins qui sont sur place (ne pas traiter systématiquement ; discuter de façon collégiale …) en opposition avec l’avis de la HAS qui recommande uniquement la mise en oeuvre de la vaccination des contacts non malades. Cependant, dans le pdf de 30 pages qui est l’avis complet, le HCSP envisage la vaccination pour les contacts à risque élevé qui ont été définis ainsi par Santé publique France (SpF) [2bis] :

  •  » Personne-contact à risque: Les personnes dites contacts à risque élevé : toute personne ayant eu un contact physique direct non protégé avec la peau lésée ou les fluides biologiques d’un cas probable ou confirmé symptomatique, quelles que soient les circonstances, y compris les actes de soin médical ou paramédical, ou le partage d’ustensiles de toilettes, ou le contact avec des textiles (vêtements, linge de bain, literie) ou de la vaisselle utilisés par le cas probable ou confirmé symptomatique ;• toute personne ayant eu un contact non protégé à moins de 2 mètres pendant 3 heures avec un cas probable ou confirmé symptomatique (ex. ami proche ou intime, voisin de transport, voisin de bureau, personnes partageant le même lieu de vie sans lien intime, acte de soin ou d’hygiène, milieu scolaire et universitaire, club de sport, …). »

Le HCSP précise alors, page 13, que ces personnes peuvent bénéficier d’une vaccination selon les modalités définies dans l’Avis de la HAS du 20 mai 2022 sans souligner l’impossibilité de réaliser 2 doses à 28 jours d’intervalle chez des personnes qui seraient en incubation de la maladie. A moins de supposer que la première dose aurait été suffisante pour stopper l’incubation ?

Par contre, le HCSP n’envisage pas cette vaccination pour les personnes dites contacts à risque négligeable selon la définition de Santé publique France :

–  » Toute personne ayant eu un contact à risque tel que décrit ci-dessus en présence de mesures de protection efficaces respiratoires portées par le cas ou le contact, et de mesures de protection efficaces contact portées par la personne-contact. Les mesures de protection efficaces vis-à-vis du contact physique direct sont le port de gants étanches (latex, nitrile, caoutchouc), et vis-à-vis du contact respiratoire sont les masques chirurgicaux et FFP2, et les hygiaphones.- toute autre situation. »

Ces précisions n’ont pas été apportées dans l’avis de la HAS qui, pour recommander la vaccination, ne fait pas de distinction entre les personnes à risque élevé et celles à risque négligeable.

Avis ministériel : And the winner is…

Dès le lendemain 25 mai 2022, l’arrêté ministériel tombe [3] :

  • « La ministre de la santé et de la prévention, Vu le code de la santé publique, notamment son article L. 3131-1 ;
  • Vu l’avis n° 2022.0034/SESPEV du 20 mai 2022 du collège de la Haute Autorité de santé relatif à la vaccination contre la variole du singe (Monkeypox virus) ;
  • Vu l’avis du Haut Conseil de la santé publique en date du 24 mai 2022 relatif à la conduite à tenir autour d’un cas suspect, probable ou confirmé d’infection à Monkeypox virus ;
  • Considérant le virus Monkeypox comme un agent biologique pathogène émergent en raison de l’augmentation significative de cas autochtones dans des régions non endémiques pour le Monkeypox par transmission interhumaine par le virus Monkeypox et du caractère infectieux et transmissible de cet agent biologique pathogène y compris par voie de transmission interhumaine ;
  • Considérant qu’aucun traitement prophylactique n’est à ce jour autorisé chez les personnes exposées au virus Monkeypox ;
  • – Considérant la nécessité de disposer de traitements prophylactiques post-exposition chez les personnels de santé en milieu de soin exposés à un risque élevé de transmission du virus Monkeypox, comme indiqué dans l’avis cité en deuxième référence ;
  • – Considérant la nécessité de tenir compte de l’évolution des données scientifiques dans la prise en charge de la maladie à virus Monkeypox ;
  • – Considérant que le vaccin vivant atténué non réplicatif antivariolique (virus vivant modifié de la vaccine Ankara) dispose d’une autorisation de mise sur le marché européenne pour l’immunisation active contre la variole en Europe depuis 2013 sous le nom commercial IMVANEX® ;
  • – Considérant que le vaccin vivant atténué non réplicatif antivariolique (virus vivant modifié de la vaccine Ankara) dispose d’une autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis d’Amérique pour l’immunisation active contre la variole du singe depuis 2021 sous le nom commercial JYNNEOS®,
  • Arrête :
  • Article 1: A titre dérogatoire, peuvent être autorisés dans le traitement prophylactique contre la variole du singe des personnes contacts à risque d’une personne atteinte de l’infection ou des professionnels de santé en milieu de soins exposés au virus Monkeypox:
  • – le vaccin IMVANEX® ;
  • – le vaccin JYNNEOS®. »

CONSTAT : Cet arrêté ministériel n’autorise aucun traitement préventif des cas contacts d’un malade atteint par le monkeypox à l’exception dérogatoire des vaccins de troisième génération contre la variole qui n’ont jamais été testés sur des humains, la maladie ayant disparu.

Cette exception dérogatoire signifie aussi que cette mesure n’a pas reçu d’autorisation mais que compte tenu de la situation d’urgence et de l’absence d’autres réponses autorisées comme les traitements par des antiviraux, il autorise le recours aux vaccins. Ce serait analogue aux AMM conditionnelles accordées aux vaccins covid en l’absence de traitements reconnus.

Revue de littérature, pardon pour le Ministère …

Cette vaccination pratiquée après contamination est-elle efficace ? Publiée en 2006, l’étude de Stittelaar titrait :

Trad :  » Un traitement antiviral est plus efficace que la vaccination antivariolique en cas d’infection mortelle par le virus monkeypox »

Plus précisément, les singes étaient d’abord infectés expérimentalement par une dose mortelle de monkeypox puis, 24 heures après ils étaient soit traités avec un antiviral, soit vaccinés. Les expérimentateurs ont constaté que l’antiviral se montrait plus efficace que la vaccination. Voir le résumé en annexe.

Si la HAS recommande uniquement la vaccination des contacts non malades, elle reconnaît l’existence de traitements par des antiviraux en proposant leur utilisation sur des malades :

  • « La HAS indique également que la stratégie vaccinale proposée s’inscrit dans une stratégie de prise en charge plus globale incluant notamment la mise à disposition de traitements antiviraux non évalués par la HAS mais disposant d’une AMM dans l’indication de Monkeypox, en particulier pour les enfants éligibles, pour lesquels le vaccin de 3ème génération ne bénéficie pas d’AMM aujourd’hui. »

Mais sa remarque sur les enfants indique clairement qu’elle n’envisage le traitement préventif par des antiviraux que par défaut, quand la vaccination ne peut être utilisée faute d’AMM alors qu’elle a toute chance d’être moins efficace, voire pas du tout efficace, qu’un antiviral adapté.

Pour tout simplifier, l’avis des CDC

Tout en ajoutant que les CDC américains recommandent de vacciner seulement les contacts à haut risque :

  • « Le Centers for Disease Control and Prevention des Etats-Unis prévoit la vaccination des personnes exposées dans les 14 jours qui suivent le contact à risque. Par ailleurs, en plus de la vaccination des contacts à haut risque, l’ECDC recommande d’isoler, de traiter et de notifier rapidement les cas suspects. »

Une vaccination des contacts dans les 14 jours qui suivent le contact à risque alors que la HAS recommande une vaccination à deux doses à 28 jours d’intervalle …

Les médicaments anti-variole

Il ne peut exister d’études sur les humains portant sur l’efficacité des antiviraux en post-exposition en raison de la disparition de la variole.

Cependant, pour le tecovirimat, une étude avait été publiée en 2008 sur des lapins [16] (cité par [2] page 10 ):

  • « Des données sur modèles animaux sont également disponibles en prophylaxie post-exposition des infections à orthopoxvirus : challenge létal par aérosol de RPXV (Rabbit PoxVirus) sur un modèle de lapin avec une survie respectivement de 100%, 88% 100%, 67% et 33% en cas d’administration de tecovirimat à J0, J1, J2, J3 et J4 [16]. »

On peut aussi lire à propos du tecovirimat [17] :

– « L’antiviral préconisé est le tecovirimat. A la mi-2012, le tecovirimat est reconnu par l’EMA sous le statut de médicament orphelin. Les indications chez l’homme en cas de variole seraient le traitement des cas, le traitement des sujets contacts, éventuellement le traitement pré-exposition, le traitement des complications post-vaccinales et, en association ou alternative, à la vaccination chez des patients à risque de complication. »

On voit clairement que le ministère fait plus que de ne tenir aucun compte de l’avis du HCSP, c’est même la manifestation d’un véritable coup de force pour en pratique imposer à tous les contacts une vaccination non évaluée comme étant la seule solution alors que des antiviraux comme le tecovirimat ont toutes chances d’être plus efficaces en post exposition que les vaccinations et que ces vaccinations ne pourront pas être pratiquées sur des enfants.

Les vaccins anti-variole

Mais les fausses croyances passées ont la vie dure comme le montre cet extrait aussi révélateur qu’inquiétant de l’avis de la HAS sur la vaccination post exposition au monkeypox :

  • « Les vaccins de 1ère génération et de 2ème génération ne sont plus utilisés en population générale depuis 1984 du fait de l’éradication de la variole. Ces vaccins nécessitaient une technique d’injection particulière (injection par aiguille bifurquée), présentaient une réactogénicité et des effets indésirables graves (encéphalite, encéphalopathie, eczéma vaccinatum, vaccine progressive ou générale, atteintes cardiaques…). Ils sont contre-indiqués dans de nombreux cas et notamment chez la femme enceinte, les sujets immunodéprimés et les enfants de moins d’un an. Ces vaccins ont montré leur grande efficacité dans le cadre de la stratégie de vaccination des contacts des cas en particulier si l’administration avait lieu dans les 4 jours suivant le contact. »

Un exemplaire d’une aiguille dite « bifurquée »

Ce qui est révélateur et inquiétant, c’est cette dernière phrase car le 18 octobre 2013 j’avais pu échanger avec un membre important du HCSP devant la communication affichée (poster) que je présentais au congrès Adelf-Sfsp de Bordeaux (17-19 octobre). Le thème de cette communication [4] était justement la vaccination des contacts contre la variole au cours de la campagne d’éradication. Cet expert, après avoir lu attentivement son contenu, me dira :

  • « Je ne connais qu’une seule vaccination efficace après contact, celle contre la rougeole dans les 72 heures. »

Compte tenu du contexte, il venait de me dire que la vaccination contre la variole avec les vaccins existants à l’époque n’était pas efficace après contamination. Il est exact qu’au cours de la campagne d’éradication, il fut affirmé que cette vaccination était efficace quand elle était pratiquée dans les 4 jours qui suivaient la contamination.

Il est indubitable que non seulement ce fut affirmé mais que ce fut mis en œuvre de façon extrêmement contraignante dans les dernières années de la campagne d’éradication de la variole pour être incorporé dans le plan variole de la France en 2003 avec une obligation de vaccination pour les contacts de haut niveau sans tenir compte des contre-indications d’un vaccin pourtant redoutable (décret de février 2003).

Mais il est tout aussi vrai que le contenu de cette affirmation est complètement faux, comme je me suis longuement attaché à le montrer dans d’autres articles. C’est même l’inverse exact avec ce que j’appelle les « effets Buchwald ». Les expériences publiées par Earl en 2008 ont même montré la réalité du 1er effet Buchwald sur des singes quand la vaccination a lieu 4 jours avant la contamination. Alors si elle a lieu après … D’ailleurs les auteurs n’ont publié aucun résultat à moins de 4 jours avant la contamination, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’avaient pas fait les expériences.

A l’époque, en 2013, le HCSP savait cela. Très probablement d’ailleurs parce qu’il avait auditionné Drillien, un Français qui était l’un des deux rapporteurs d’un exposé confidentiel exposant à l’OMS des résultats non publiés concernant la variole et sa vaccination. L’existence de cette réunion est avérée mais son contenu n’a pas été publié. Cela pourrait contribuer à expliquer pourquoi le HCSP n’a pas jugé utile de mentionner en priorité la vaccination en post exposition alors que la HAS, qui serait restée en dehors de la confidence révélée par Drillien au HCSP, en serait encore à croire les affirmations gratuites qui faisaient la loi jusqu’à ce que les premières expérimentations sur des singes publiées en 2006 révèlent que la réalité était toute autre.

Croire que cette vaccination des contacts aurait été un formidable succès contre la variole joue évidemment un rôle très important pour vouloir reproduire et imposer la même stratégie aujourd’hui. C’est cela qui est inquiétant.

Reconnaissons cependant que les deux virus en présence, monkeypox et MVA sont moins dangereux que le virus de la variole humaine et le virus de la vaccine. Cela pourrait impliquer que cette vaccination des vrais contacts pourrait se montrer moins catastrophique qu’au cours de l’éradication de la variole mais pas forcément efficace pour autant comme les expérimentations animales avec monkeypox et le vaccin MVA l’ont montré (voir annexe).

A la lecture des avis de la HAS et du HCSP ainsi que de l’arrêté ministériel,on pourrait déceler une certaine complicité entre le ministère et la HAS qui ne recommande que les vaccins en post exposition comme visiblement le ministère le voulait. D’ailleurs, l’avis de la HAS daté du 20 mai stipule « Vu la saisine de la Direction générale de la santé (DGS) du 19 mai 2022 ; » ce qui veut dire que la HAS s’est accordé très peu de temps pour formuler son avis alors que la délibération est collégiale. Certes, elle a été réalisée par courriel comme attesté dans l’avis mais quand même. Quand on compare les 30 pages détaillées et méticuleuses de l’Avis du HCSP avec celui de la HAS on serait tenté de dire que ce dernier a été un peu bâclé.

En opposition, on constate que le HCSP, qui connaissait le contenu de l’avis de la HAS publié le 20 mai contre le 24 pour le HCSP, insiste longuement sur les traitements des malades par des antiviraux pour n’accorder qu’une place discrète à la vaccination des contacts. On pourrait dire qu’ils se complètent mais une telle opposition entre ces 2 organismes n’est pas nouvelle.

L’affaire des vaccins contre les rotavirus

Il existe une affaire qui a certainement contribué à créer des tensions entre la HAS et le HCSP. Ce fut celle qui concerna la recommandation des vaccinations contre les rotavirus pour les nourrissons. Alors que ces vaccins avaient obtenu une AMM européenne en 2006, le CSHPF présidés par Christian Perronne refusera de les recommander, préférant recommander les SRO, les solutés de réhydratation orale jugés très efficaces tout en étant très peu couteux. C’est même reconnu par l’OMS dans un article tout à la gloire de son inventeur [5]

  • Des millions de vies sont sauvées chaque année grâce à un remède simple, la solution de sels de réhydratation orale (SRO), dont le Lancet a dit un jour que c’était «sans doute la principale avancée médicale» du XXe siècle.”

Le HCSP, qui avait remplacé le CSHPF en avril 2007, avait publié un avis (28 mai 2010) et un rapport (20 mai 2010) sur la vaccination des nourrissons contre les rotavirus. Il maintenait fermement les recommandations du CSHPF :

  • « Le Haut Conseil de la santé publique ne recommande pas actuellement la vaccination systématique contre le rotavirus des nourrissons âgés de moins de six mois. Le Haut Conseil de la santé publique recommande la poursuite de la mise en œuvre des mesures destinées à améliorer la prise en charge d’une gastro-entérite aiguë chez le nourrisson et les pratiques sur la réhydratation orale, comme indiqué dans l’avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France en décembre 2006, et préconise qu’une évaluation de ces actions soit menée. »

Coup de théâtre : le 29 novembre 2013, le HCSP recommande ces vaccinations [6]

  • « Le HCSP recommande sous réserve d’une politique tarifaire conduisant à des ratios coût/efficacité acceptables pour ces deux vaccins, la vaccination contre les rotavirus des nourrissons âgés de moins de 6 mois selon un schéma vaccinal à 2 doses. »

Mais 16 mois plus tard, début avril 2015, nouveau coup de théâtre : La HAS ne recommande plus les vaccins rotavirus [7] et [8] :

  • « La Commission de la Transparence de la HAS (Haute Autorité de Santé) s’est prononcée contre le remboursement, en ville et à l’hôpital, des vaccins à rotavirus ROTARIX et ROTATEQ. « De nouvelles données de pharmacovigilance sur les vaccins vivants contre les infections à rotavirus, ROTARIX et ROTATEQ, font état d’un taux de notifications d’effets indésirables graves préoccupant par rapport à d’autres vaccins recommandés dans le calendrier vaccinal. »

L’affaire est rendue publique par le Canard enchainé et la presse s’en empare. Contraint et forcé, le HCSP doit revenir sur sa décision [9], Avis du 21 avril 2015 :

  • « Du fait de l’évolution défavorable de certains cas rapportés d’IIA (décès, résections) probablement liée à une prise en charge tardive et ne pouvant exclure que de telles situations se reproduisent, le HCSP suspend la recommandation de vaccination des nourrissons contre les infections à rotavirus en population générale. »

Si les présidents du HCSP (Roger Salamon) et du CTV (Daniel Floret) doivent avaler une couleuvre, ils dénoncent un rapport à charge [10] :

  • « « Le CTV estime avoir été mis en situation de prendre, en quasi-urgence, des décisions graves et difficiles sur la base d’un dossier à charge contre la vaccination rotavirus », écrivent les Prs Floret et Salamon. »

 

Voilà une affaire qui a pu plomber pour longtemps l’ambiance entre HCSP et HAS. D’autant plus que ce n’était pas fini …

Quand le CTV est devenu … la CTV

Le Comité technique des vaccinations était géré par le HCSP. En 2017, il deviendra la CTV, la Commission technique des vaccinations dont la présidente sera Elizabeth Bouvet. Ainsi, le HCSP va perdre un de ses fleurons dont l’une des importantes fonctions était d’établir chaque année le nouveau calendrier vaccinal. On ne peut exclure que le HCSP n’ait pas très bien vécu ce nouveau revers. Chacun pourrait aussi s’interroger sur les raisons d’un tel transfert. Le HCSP aurait-il manifesté trop d’indépendance vis-à-vis du ministère ? Dans les couloirs du congrès Adelf-Sfsp de Bordeaux (17-19 octobre 2013), un membre du HCSP me dira « nous essayons d’être le plus possible indépendants (du ministère) mais … ».

Chacun pourra constater que la CTV d’Elisabeth Bouvet fut totalement absente des débats sur la pertinence de l’obligation des 11 vaccins qui devinrent obligatoires pour les enfants nés à partir de 2018. L’opération fut conduite directement par le ministère, voire de plus haut encore, en court-circuitant les comités institutionnels, en faisant établir un rapport par la députée Sandrine Hurel et en créant une concertation citoyenne présidée par Alain Fisher qui, dans la restitution qu’il fera de cette concertation citoyenne le 30 novembre 2016, restituera surtout sa volonté et celle du ministère.

Les braves citoyens qui avaient été sélectionnés pour discuter pendant des jours sur l’obligation vaccinale et avaient remis leurs rapports, ont pu se sentir floués. Pourtant, il existait une institution rattachée au ministère pour cela, la Conférence nationale de santé (CNS) dont l’une des attributions légale et officielle est :

« Art L. 1411-1-1. – La Conférence nationale de santé a pour missions :
4° D’organiser ou de contribuer à l’organisation de débats publics permettant l’expression des citoyens sur des questions de santé ou d’éthique médicale.

La conclusion du jour

Le 19 février 2016, son secrétaire général Thomas Dietrich démissionnera avec fracas en rédigeant un brulot de 28 pages où il écrit notamment [11] :

  • « J’en suis désormais convaincu : la démocratie en santé n’est qu’une vaste mascarade montée par les hommes et les femmes politiques pour faire croire à une certaine horizontalité de la décision publique en santé – alors qu’elle n’a jamais été aussi verticale. Et tout ceci au détriment des citoyens, dont on utilise les deniers pour mettre sur pied des instances consultatives qui, comble du cynisme, ne doivent à aucun prix remplir le rôle qui leur a été assigné par la loi.
    Pour la CNS, … l’illusion de liberté est savamment entretenue par le Ministère. A part quelques initiés au fait du scandaleux jeu de dupes qui se trame en coulisses, la grande majorité des membres de la CNS (qui compte 120 membres dont des bénévoles) ignore que les dés sont pipés. »

 

Bernard Guennebaud
Juin 2022

 

Annexes:
Voici des extraits d’études expérimentales conduites sur des singes en utilisant le virus monkeypox (MPXV) pour tester les animaux et des vaccins antivarioliques de type classique ou MVA dit de 3è génération [12] :
Par Staib (2006) [p.2919 ; col.2 lien cassé]
→ « Moreover, past sources of information on post-exposure vaccination seem to indicate that it could be mainly revaccination of previously immunized individuals that successfully prevented smallpox ( Mortimer, 2003 ) ».
→ « Par ailleurs, des sources d’information anciennes sur la vaccination en post-exposition semblent indiquer qu’il pourrait s’agir essentiellement de la revaccination de personnes déjà immunisées qui réussissait à prévenir la variole ( Mortimer, 2003). »
→ « However, our overall data also suggest that the practicability of post-exposure vaccination against smallpox might be limited, at least in the context of naïve individuals or a harsh respiratory infection. »
→ « Cependant, nos données suggèrent également que la praticabilité de la vaccination post-exposition contre la variole pourrait être limitée, au moins dans le contexte de personnes naïves ou d’une infection respiratoire sévère. »
→ «This assumption is corroborated by the recent finding of limited efficacy of smallpox vaccination given 24 h after a lethal intratracheal infection of cynomolgus macaques with Monkeypox virus ( Stittelaar et al. , 2006 ). »
→ « Cette hypothèse est corroborée par la découverte récente d’une efficacité limitée de la vaccination antivariolique administré 24 h après une infection mortelle intratrachéale de macaques cynomolgus avec le monkeypox virus (Stittelaar et al., 2006 ) ».
Par Samuelsson [13] (page 1782 col.1)
→ « The WHO recommendation in cases of smallpox infection includes vaccination as quickly as possible after exposure. However, there exists only anecdotal historical information about the success of postexposure vaccination against smallpox, and in most cases, the prevaccination status of the individuals was not clear (Fenner-Henderson 1988 ; Mortimer-Henderson 2003). Moreover, in animal models, no significant survival benefit to postexposure vaccination was observed using as infection models either MPXV in monkeys or VACV in mice (Stittlelaar ; Staib). »
→ « Les recommandations de l’OMS en cas de contamination par la variole incluent la vaccination aussi prompte que possible après l’exposition. Cependant, il existe des données anecdotiques sur la réussite de la vaccination antivariolique en post-exposition, et dans la plupart des cas, le statut des individus avant vaccination n’était pas clair (Fenner-Henderson 1988) ; Mortimer-Henderson 2003 ). En outre, dans les modèles animaux, aucun bénéfice significatif avec des survivants n’a été observé en utilisant des modèles infectants, soit chez des singes avec le monkeypox ou chez la souris (Stittelaar ; Staib )
Voici le résumé de l’étude de Stittelaar [14]
Antiviral treatment is more effective than smallpox vaccination upon lethal monkeypox virus infection
« There is concern that variola virus, the aetiological agent of smallpox, may be used as a biological weapon. For this reason several countries are now stockpiling (vaccinia virus-based) smallpox vaccine. Although the preventive use of smallpox vaccination has been well documented, little is known about its efficacy when used after exposure to the virus.
Here we compare the effectiveness of post-exposure smallpox vaccination and antiviral treatment with either cidofovir (also called HPMPC or Vistide) or with a related acyclic nucleoside phosphonate analogue (HPMPO–DAPy) after lethal intratracheal infection of cynomolgus monkeys (Macaca fascicularis) with monkeypox virus (MPXV). MPXV causes a disease similar to human smallpox and this animal model can be used to measure differences in the protective efficacies of classical and new-generation candidate smallpox vaccines2.
We show that initiation of antiviral treatment 24 h after lethal intratracheal MPXV infection, using either of the antiviral agents and applying various systemic treatment regimens, resulted in significantly reduced mortality and reduced numbers of cutaneous monkeypox lesions.
In contrast, when monkeys were vaccinated 24 h after MPXV infection, using a standard human dose of a currently recommended smallpox vaccine (Elstree-RIVM), no significant reduction in mortality was observed.
When antiviral therapy was terminated 13 days after infection, all surviving animals had virus-specific serum antibodies and antiviral T lymphocytes. These data show that adequate preparedness for a biological threat involving smallpox should include the possibility of treating exposed individuals with antiviral compounds such as cidofovir or other selective anti-poxvirus drugs. »

Notes et sources
[1] https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-05/avis_n2022.0034_sespev_du_20_mai_2022_du_college_de_la_has_relatif_a_la_vaccination_contre_la_variole_du_singe_monkeypox_vir.pdf
[2] https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=1212
Plus le pdf associé de 30 pages détaillées.
[2bis] https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-transmissibles-de-l-animal-a-l-homme/monkeypox
Télécharger le pdf « définition des cas et conduite à tenir »
[3] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045830824
[4] https://p4.storage.canalblog.com/42/31/310209/121014493.pdf
[5] http://questionvaccins.canalblog.com/archives/2009/02/02/12331842.html
[6] https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/AvisRapportsDomaine?clefr=404
[7] https://www.vidal.fr/actualites/15701-vaccination-contre-les-rotavirus-smr-insuffisant-et-avis-defavorable-de-la-has-au-remboursement.html
[8] https://www.vidal.fr/actualites/15286-vaccins-contre-les-rotavirus-nouvelles-donnees-sur-les-risques-d-invagination-intestinale-aigue.html
[9] https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=501
[10] https://www.infovac.fr/docman-marc/public/bulletins/2015/1176-lien-3-de-pe-che-apm-vaccination-contre-le-rotavirus/file
[11] http://questionvaccins.canalblog.com/archives/2016/02/23/33415752.html
[12] http://questionvaccins.canalblog.com/archives/2012/01/03/23148650.html
[13] http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2289795/pdf/JCI0833940.pdf
[14] http://www.nature.com/nature/journal/v439/n7077/abs/nature04295.html
[15] Un article intéressant sur la variole et ses vaccinations
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6532594/
«In 1977 smallpox had totally disappeared. This was mainly attributed to the vaccine, but, in hindsight, one might ask to what extent the three main constituents of the programme (vaccination, containment, and surveillance) as well as other factors such as better life quality and hygiene contributed to the elimination of the disease.
[16] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18479761/
Résumé (traduction google) Le ST-246 serait donc le tecovirimat.
« Les orthopoxvirus, tels que les virus de la variole et du monkeypox, peuvent provoquer des maladies graves chez l’homme lorsqu’ils sont administrés par voie aérosol et représentent donc des menaces importantes pour les populations militaires et civiles. Actuellement, il n’existe aucune thérapie antivirale approuvée par la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis pour traiter la variole ou l’infection par le monkeypox. Dans cette étude, nous avons montré que l’administration du composé antiviral ST-246 à des lapins par gavage oral, une fois par jour pendant 14 jours en commençant 1h après l’exposition, entraînait une survie de 100% dans un modèle de variole du lapin en aérosol létal utilisé comme substitut de la variole. . De plus, l’efficacité du traitement différé avec ST-246 a été évaluée en commençant le traitement aux jours 1, 2, 3 et 4 post exposition. Bien qu’un nombre limité de lapins aient montré des signes moins graves de la variole du lapin à partir du jour 1 et du jour 2 du traitement en post exposition, leur maladie a disparu très rapidement et les taux de survie de ces groupes de lapins étaient de 88 % et 100 %, respectivement. Mais lorsque le traitement a commencé les jours 3 ou 4 post exposition, la survie était de 67 % et 33 %, respectivement. Ce travail suggère que ST-246 est un composé antiviral très puissant contre la variole du lapin en aérosol chez les lapins et devrait être étudié pour un développement ultérieur pour toutes les maladies à orthopoxvirus. »
[17] https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=318.
Voir le pdf page 8/12

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