Pour qui doute encore (*) de l’intérêt de cette discorde d’apparence anodine -un vaccin vivant a-t-il été préparé sur chimpanzés africains ou sur macaques asiatiques-  il faut comprendre que seul le premier primate est porteur d’un bien curieux virus, le VIS, semblable au VIH humain à quelques mutations près. Alors, on nous explique que tous ces scientifiques s’étaient réunis dans l’ex-Congo belge pour travailler sur des fragments d’animaux venus d’Asie, confortablement installés à côté d’une énorme chimpanzerie comptant plusieurs centaines d’animaux et qu’on en sacrifiait tous les jours comme ça, pour rien… Bernard Guennebaud, comme tous nos vieux limiers de légende, ne sait pas abandonner. Il termine ici un passionnant, mais déplorable récit. Alors bonne lecture…    

(Le premier épisode de cet article se trouve ici: https://www.aimsib.org/2022/04/10/le-sida-a-t-il-vu-le-jour-a-cause-dun-vaccin-anti-polio-defectueux-premiere-partie/ )

Guerre des singes et crispation médicale face aux témoignages des acteurs :

  • « Professeur Koprowski, avez-vous utilisé des chimpanzés pour préparer votre vaccin ? » (photo de Koprowski répondant à cette question, ci-dessus)
  • “Jamais de la vie ! “

Introduction

Dans le précédent article, nous avons vu les attitudes et gesticulations de personnalités de la science brandissant la rigueur scientifique à tout va, tout en étant incapables de répondre à une question simple comme « que signifiait le sigle CHAT ? » ou en attribuant à la fameuse analyse d’ADN présentée au symposium de Londres des conclusions qu’elle ne pouvait pas donner.

Tous ces scientifiques donc, réunis devant la presse mondiale pour en finir avec Hooper et son hypothèse, vont produire l’effet inverse. De toute évidence, pour agir ainsi « c’est qu’ils ont quelque chose à cacher ! » De plus, était-il si habile de s’en prendre à la méthode de travail des journalistes, l’enquête, en prenant à témoin d’autres journalistes ?

Chimpanzés ou pas

Pour Hooper, l’objectif ne sera plus de démontrer que le sida viendrait du vaccin utilisé au Congo mais d’établir seulement qu’il avait été préparé sur chimpanzé. Cinq télévisions, française, belge, canadienne, espagnole et suisse romande vont soutenir Hooper en envoyant des équipes de journalistes qui vont mener pendant plusieurs années une remarquable enquête diffusée le 23 avril 2004 sur France 2 à l’occasion du sidaction. Ce documentaire « Les origines du sida » réalisé par Peter Chappell et Catherine Peix est toujours visible [2] ainsi que les critiques dont il fut l’objet [3].

Moins de 4 ans après le symposium qui avait voulu classer l’affaire, cette diffusion va relancer la polémique grâce en particulier aux éléments suivants :

1 – Un film tourné à l’époque pour les actualités cinématographiques montrait l’animalerie de chimpanzés du Camp Lindi sur une île de la rivière du même nom. La zone était protégée par des pancartes mentionnant : « Polio Mission Courtois Koprowski Centre d’Expérimentation Entrée interdite ». Courtois était un Belge qui dirigeait le centre. Les journalistes ont retrouvé Bayello qui travaillait à la chimpanzerie et s’occupait de nourrir les animaux.

Selon lui, 600 chimpanzés séjournèrent dans le centre, pendant 3 ans, de 1957 à 1959. A quoi était destinés tous ces singes ?

Le film montre un singe vivant, debout dans sa cage. On lui enlève un organe, il grimace et soudain s’écroule…

2 – On a pu voir aussi les immenses bâtiments à l’abandon du laboratoire de Stanleyville (devenue Kisangani). Le film montre un document qui atteste que la fabrication de vaccins faisait partie de ses attributions.

3 – On peut voir Hilary Koprowski interrogé par Hooper À la question (34’42’’) :

  • « Avez-vous utilisé des chimpanzés ? » il répondra avec une totale assurance « Jamais de la vie ! ».

Deux Questions Fondamentales

Question 1 : que voulait dire le sigle CHAT ? Koprowski, le grand organisateur de cette affaire en connaissait certainement la signification. Pourquoi a-t-il constamment ignoré la question ?

Question 2 : le vaccin était-il produit sur place « en quantité », même s’il était élaboré, dans sa conception, à l’Institut Wistar de Philadelphie ? C’est une question très importante qui a été posée par Hooper car une réponse positive rendrait totalement invraisemblable l’utilisation de singes d’Asie pour la fabrication du vaccin utilisé au Congo : il aurait en effet fallu faire venir ces singes de l’Inde jusqu’au Congo alors qu’on entretenait une chimpanzerie à proximité avec des équipes de chasseurs qui en avaient capturé vivants plusieurs centaines !

Le relais de Koprowski au laboratoire de Stanleyville, Paul Osterrieth, a soutenu au symposium de Londres que ce laboratoire n’était pas équipé pour produire le vaccin, affirmant :

  • « Je n’aurais jamais risqué ma réputation et la vie d’êtres humains en faisant des choses aussi hasardeuses ».

D’un mensonge à un autre

Pourtant, il existe des éléments décisifs en faveur d’une réponse positive à cette question. D’abord, que faisait là-bas un biologiste de la qualité de Paul Osterrieth qui savait pratiquer les cultures cellulaires, ce qui était rare à l’époque ?

Il y avait d’ailleurs sur place toute une équipe de biologistes belges dont Mme Liégeois, Gaston Ninane et Pierre Doupagne qui affirma avoir appris les cultures cellulaires au Congo. Juste pour réceptionner des colis de vaccins congelés et les installer dans des congélateurs après les avoir testés ?

Par ailleurs, il n’aurait pas été très rationnel d’envoyer aux USA des centaines de singes vivants pour ensuite expédier vers le Congo de gros envois de vaccin devant rester impérativement congelé à -20°. D’ailleurs :

La revue La Recherche indique à ce sujet qu’une « trop lourde logistique a empêché la généralisation d’envois de reins de singe du Congo aux USA »[n°338, janvier 2001]. Raison de plus pour penser que la production se faisait sur place….

Il en alla ainsi pour le vaccin Sabin testé sur 40 millions de personnes en URSS : il était produit en quantité sur place et des macaques étaient expédiés en grand nombre pour assurer une production locale.

Les témoignages des assistants et infirmiers africains

Jacques Kanyama, l’assistant de Paul Osterrieth, témoigna que ce dernier préparait lui-même le vaccin, disant à son assistant : « Nettoie et stérilise les tubes pour qu’on mette le vaccin » alors que Philippe Elebe, l’assistant de Pierre Doupagne, mettait des étiquettes mentionnant « vaccin polio ».

– et surtout celui, encore plus décisif, de Joseph Limbaya l’infirmier. Il affirma prélever le sang des chimpanzés en le mettant dans un bocal « comme ceci » et aussi le foie et les reins pour les donner à celui qui fabriquait le vaccin, Paul Osterrieth.

Une photo de ces scènes montrait Joseph à l’œuvre. Il affirma tuer 2 ou 3 chimpanzés par jour, « si le docteur le demandait ».

Les témoignages des biologistes belges

Pierre Doupagne témoigna clairement qu’il préparait des cultures à base de chimpanzé et qu’il les remettait à Paul Osterrieth au laboratoire de Stanleyville. Combien de fois l’avait-il fait?

  • « Souvent…souvent…répondra-t-il. »

On entendra la voix de Gaston Ninane, décédé par la suite.

En 1992, il déclara à Hooper que le virus était bien cultivé sur cellules de reins de Chimpanzé et – les cellules de chimpanzé se multipliant facilement – que c’était un très bon substrat pour la culture du virus de la polio.

Des témoignages contestés

La valeur de ces témoignages fut mise en cause au cours d’une émission ( »Arrêt sur image’‘) qui eut lieu quelques jours plus tard sur France Cinq. Je n’ai pas vu cette émission, mais Simon Wain-Hobson, l’un des deux co-organisateurs du symposium de Londres, se livra aussi à une contestation dans le Concours Médical du 9 juin 2004. Il travaillait à l’Institut Pasteur de Paris et fut un acteur éminent de l’équipe de Luc Montagnier qui découvrit le virus du sida :

  • « Que penser des témoignages recueillis par ce journaliste ? La plupart des témoins oculaires qu’il a pu rencontrer sont aujourd’hui âgés, et, dans le script que j’ai pu lire, ils se contredisent eux-mêmes, ne se souviennent pas bien. Que penser de la rétention de leurs propres contradictions dans le document diffusé ? »

Ce fut effectivement, selon ce qui m’a été rapporté, l’une des critiques formulées contre ce documentaire : les personnes interviewées se seraient contredites et leurs contradictions auraient été censurées au montage.

Mais que penser d’une telle appréciation quand on sait que l’infirmier Joseph Limbaya, par exemple, dit avoir égorgé 2 à 3 chimpanzés certains jours, plusieurs centaines en tout, et que, quand on a vécu cela même 40 ans après, il me semble qu’on est plus qu’un simple témoin oculaire.

Un chimpanzé, ce n’est pas un être humain mais presque ! D’ailleurs pour Koprowski la même durée s’était écoulée depuis ces événements et il est nettement plus âgé. Pourtant, son témoignage n’est pas remis en cause. Hooper fait aussi remarquer que Osterrieth, qui n’était pas plus jeune que les infirmiers africains, se contredit lui-même en affirmant au symposium de Londres qu’il avait bien réalisé 6 envois de reins de singes chimpanzés pour l’Institut Wistar de Philadelphie alors qu’il avait signé le 28 février 2000 un document dactylographié complété par une note manuscrite affirmant le contraire comme le montre le documentaire.

Quant à Koprowski, s’il ne sait plus ce que voulait dire le sigle CHAT dont il est très certainement l’instigateur, alors c’est qu’il est très marqué par les effets de l’âge qui pourtant ne l’ont pas empêché de tenir sa place au symposium de Londres et d’y faire un long exposé …

Alors, vaccin sur chimpanzé ou sur macaque ?

La souche CHAT sur macaque a très certainement existé : celle utilisée en Pologne pour 7 millions de vaccinations. De plus, l’échantillon qui a été retrouvé provenait du congélateur d’un laboratoire de Stockholm qui l’avait reçu du laboratoire de Koprowski à Philadelphie.

Les chimpanzés étaient-ils captifs ou en liberté ?

Il a été découvert une très grosse différence entre les virus VIS des chimpanzés sauvages et en captivité : si l’analyse de la séquence de toutes les souches virales de chimpanzés captifs a apporté des éléments convaincants en faveur de l’hypothèse que le VIH-1 proviendrait du chimpanzé, des données récentes sur les chimpanzés dans leur habitat naturel apportèrent une double surprise :

– d’une part, très peu d’animaux sont contaminés par le VIS, 2% contre 80% pour les autres espèces de singes ;
– d’autre part, le virus infectant les chimpanzés sauvages est très différent du virus humain et aussi du VIS infectant les chimpanzés captifs et qui, par contre, est très proche du virus humain.

Ces faits suggèrent très fortement que ce serait des chimpanzés captifs qui auraient contaminé les humains, ce qui enlève beaucoup de crédibilité à l’hypothèse du chasseur qui est pourtant aujourd’hui l’hypothèse retenue par les scientifiques pour expliquer le passage à l’homme.

Des alliés scientifiques pour Hooper

Des recherches furent menées sur le terrain par un biologiste de renom, Bill Hamilton, considéré comme le plus grand biologiste de l’évolution depuis Darwin. La capture des chimpanzés étant devenue interdite, il avait mis au point un procédé permettant de dépister le VIS dans les excréments des animaux. Pour lui, l’hypothèse de Hooper, à qui il avait demandé de l’accompagner, avait 95% de chances d’être exacte. Il paiera ces recherches de sa vie car il mourra de la malaria en mars 2000 et, selon les organisateurs, c’est en son honneur que le symposium de Londres dont il avait demandé la tenue sera organisé.

Auparavant, Hamilton avait déclaré à CNN :

  • « Que l’idée que ce grand triomphe sur la polio ait pu s’accompagner d’un désastre aussi énorme que celui du sida avait de quoi vous faire vaciller de votre piédestal. Que l’hégémonie de l’industrie pharmaceutique était la plus grande entrave à l’indépendance de la recherche médicale et qu’il était du devoir des scientifiques de faire connaître les dangers éventuels de leurs recherches et découvertes pouvant affecter notre société et qu’à propos du sida ils devaient admettre que cela avait pu se produire, pire, que cela s’était effectivement produit. »

« Voulez-vous dire, lui demande CNN, que le monde scientifique refuse d’endosser la responsabilité morale à défaut d’une responsabilité légale pour ce qui s’est passé pour le virus du sida? »

  • « Je pense que c’est le cas. A chaque fois que je rencontre des représentants du monde médical, ils ne veulent pas entendre parler de cette théorie. Il s’agit d’une réaction quasi paranoïaque. C’est l’hypothèse la plus haïe du monde médical. Ils ne veulent tout simplement pas en entendre parler. Ce n’est pas seulement l’origine du sida mais c’est le comportement du monde scientifique qui est en cause ; c’est l’aspect le plus inquiétant de l’affaire. Il y a une grande résistance à publier quoi que ce soit sur la question, à vérifier les pièces disponibles qui pourraient être facilement testées.»

Dans son livre de janvier 2018, « La vérité sur les vaccins » Didier Raoult écrit, page 92 :

  • « La méfiance vis-à-vis des vaccins n’est pas forcément le symptôme d’une paranoïa, comme certains voudraient le croire. Je pense notamment à ces campagnes de vaccination réalisées en Afrique avec des aiguilles qui n’étaient pas à usage unique -c’était avant le sida – et qui ont diffusé dans les populations l’hépatite B, l’hépatite C, et sans doute favorisé l’infection par le VIH. Chape de plomb sur le sujet.»

Il s’agit très certainement des campagnes de vaccination contre la variole menées dans les années 1960-77 dans le cadre de l’éradication de la variole.

On utilisait alors l’aiguille bifurquée inventée par Benjamin Rubin [4]

Quand sa partie fourchue est trempée dans un flacon de vaccin antivariolique lyophilisé, c’est la juste quantité de vaccin qui se retrouve entre les deux dents. Cette aiguille permettra tout à la fois d’économiser le produit et de vacciner beaucoup plus rapidement.

Pour le pathologiste Cecil Fox qui fut directeur de l’Institut National américain des maladies infectieuses de 1982 à 1992, c’est aussi l’hypothèse que le sida proviendrait du vaccin sur chimpanzé de Koprowski est l’hypothèse la plus haïe du monde médical et à propos du symposium de Londres il dira :

  •  « La communauté scientifique a su s’unir et procéder à un lynchage publique. Ils ont proclamé qu’ils avaient mis à mort la théorie selon laquelle le sida aurait ce vaccin pour origine ; il y a toujours des trous béants dans leur argumentation. Je ne crois pas qu’ils aient fait là du meilleur travail qu’auparavant. »

Dès 1985, en tant que fonctionnaire de l’État américain, il demandera d’avoir accès à des échantillons de vaccins pour les analyser. On lui répondra qu’il n’y en avait pas, ou plutôt qu’il y en avait eu mais que quelque chose s’était produit qui faisait que maintenant il n’y en avait plus. D’autres lui dirent que des analyses avaient bien été faites et que la thèse avait été infirmée :

  • « Je devais les croire sur parole ».

Il affirma qu’on aurait dû arrêter d’utiliser des reins de singes dès 1960, mais que c’est l’industrie pharmaceutique qui a décidé, alors qu’on pourrait utiliser un vaccin de synthèse, mais que cela coûterait très cher de changer la production. Aussi, on produit « de la purée de singe et on vaccine les enfants avec » selon ses propres termes.

Les objections à la thèse du vaccin

Même en admettant, ce qui est plus que probable, que le vaccin utilisé au Congo était bien cultivé sur rein de chimpanzé et non de macaque, on ne peut pour autant en déduire que l’utilisation de ce vaccin serait à l’origine du sida. Il existe un certain nombre d’arguments qui ont été avancés pour démontrer que même en pareil cas – impliquant un énorme mensonge de la part de Koprowxki et collaborateurs – ce vaccin ne pouvait être à l’origine du sida.

1- Le vaccin oral : il fut avancé que ce n’était pas une bonne voie pour assurer la transmission du virus VIS du chimpanzé à l’homme. Cela peut convaincre même s’il est quasi certain que des vaccinés aient pu avoir des blessures à la langue ou à la bouche au moment de la vaccination. Pourtant, les plus rudes adversaires de Hooper soutiennent eux-mêmes la thèse de la contamination orale pour l’origine du sida , comme Wain-Hobson dans le Concours médical du 9 juin 2004 :

  • « L’hypothèse la plus probable, pour l’origine du sida, est celle d’une contamination par voie alimentaire (17% des prélèvements de viande de singe vendus sur les marchés camerounais sont positifs pour un virus simien)».

2- La congélation : pour Plotkin, le plus zélé collaborateur de Koprowski,

  • « Les scientifiques s’accordent pour dire que la congélation aurait détruit un virus aussi fragile que le VIS ou le VIH » [La Recherche janvier 2001].

Peut-être mais justement :

C’est par des prélèvements congelés effectués en 1971 sur un marin norvégien puis sur sa femme et sa fille, mais qui seront testés beaucoup plus tard, que le virus VIH-1 a été retrouvé… De même, aussi pour les 2000 prélèvements effectués au Congo par Van de Pitte en 1959. Ils seront testés 20 ans plus tard, un sera trouvé positif pour le VIH, confirmé par plusieurs laboratoires. Ce cas sera considéré comme le premier cas détecté de sida.

3- Le rein ne serait pas un organe favorable : toujours selon Plotkin, car contenant très peu de cellules nécessaires à la propagation du virus. C’est possible, mais le vaccin n’était pas uniquement constitué de virus saupoudrés à sec sur des reins émincés. Il faut une sauce, c’est-à-dire un milieu nutritif servant aussi de liant, comme en cuisine, et cela Stanley Plotkin le sait parfaitement. Pour les vaccins, on utilise souvent du sérum de veau, ce qui a donné lieu à la manifestation de nombreuses inquiétudes au moment de l’affaire de la vache folle. Mais ici, il s’agissait très vraisemblablement du sérum du singe. D’ailleurs l’infirmier africain Joseph a effectivement témoigné qu’il prélevait le sang des chimpanzés.

De plus, le chercheur allemand Fritz Deinhardt était à l’époque au laboratoire de Stanleyville pour y faire des recherches sur le virus de l’hépatite, ce qui démontre que ce laboratoire était très bien équipé, contrairement aux affirmations de Paul Osterrieth. Un document fut présenté dans le film.

Il décrivait la culture du virus de l’hépatite sur rein de chimpanzé finement émincé dans un milieu de culture élaboré à partir du sang de la même espèce de singe. Cela est mentionné en toutes lettres. Il est donc plus que vraisemblable qu’il en allait de même avec la préparation du vaccin polio.

Observons donc que la polémique a créé une focalisation exclusive sur les reins du singe, ce qui a pour effet d’occulter l’extrait de sang qui accompagnait obligatoirement la préparation du vaccin et que ce sang était un parfait véhicule pour le VIS. De cela, les défenseurs du vaccin de Koprowski ne parlent point…

4- Les premières contaminations seraient plus anciennes :
Au symposium de Londres, la date d’apparition du sida, 1959, fut remise en cause. Elle deviendra 1930 à la suite des calculs de l’équipe américaine de Bette Korber, publiés en 2000 :

  •  » Selon les calculs, tous les virus M ( souches du VIH1) se sont individualisés vers 1930, à partir d’un ancêtre commun. La propagation du sida au sein de l’espèce humaine daterait de cette époque, son explosion ultérieure découlant de l’intensification des échanges internationaux, des transfusions sanguines et de l’usage de drogues injectables. Le passage du chimpanzé à l’homme remonterait au moins au 17ème siècle. » [ La Recherche décembre 2003]

De toutes façons, une première transmission occasionnelle n’en empêcherait pas une autre par la suite.

Ce n’est pas parce qu’on aurait trouvé des cas d’infection VIH dès 1935 qu’il existerait une filiation entre ces cas et l’épidémie actuelle.

Mais cette remise en cause est elle-même remise en cause aujourd’hui : Wain-Hobson, par exemple, écrit dans le Concours médical du 9 juin 2004 :

  • « Il y a un consensus pour dire que le virus du sida est probablement apparu chez l’homme vers le milieu du XXe siècle, même si certains scientifiques le font remonter à 1930. Mais personne ne peut vraiment avancer une date précise »

5- Pas les bons chimpanzés : Les chimpanzés du camp Lindi ne seraient pas la bonne espèce de chimpanzés, celle sur laquelle on a trouvé le VIS le plus proche du VIH-1, objection formulée au cours de l’émission sur la Cinq mais que Koprowski n’avait pas exprimée. A quoi bon d’ailleurs puisqu’il n’utilisait pas de chimpanzés ! Bill Hamilton a risqué sa vie au point d’en mourir pour aller étudier les chimpanzés sur place, là où ils étaient chassés pour approvisionner le camp Lindi ;

La communauté scientifique concernée par cette affaire c’est mobilisée au plus haut niveau, organisant en particulier un symposium. Pourquoi tant d’activités si un argument aussi facile avait permis de trancher la question ? Et pourquoi vouloir que la transmission n’ait pu se faire qu’à partir du VIS le plus proche du VIH actuel alors que l’on sait que ces virus ont un important et constant pouvoir de mutation ?

De plus et pour cette raison, les virus étudiés à l’heure actuel peuvent différer sensiblement de ceux qui existaient en 1957. De tels arguments pourraient procéder du détournement d’attention, le principe fondamental utilisé par tous les magiciens. D’ailleurs, pour Plotkin :

  • « Les chimpanzés dont il est question provenaient de l’est du Congo, alors que le virus SIV proche du VIH provient des régions de l’ouest (Burundi, Ouganda) »

[La recherche janvier 2001]. Mais ces régions sont justement à l’EST du Congo comme le fera remarquer un lecteur dans le numéro suivant et comme chacun pourra le vérifier sur une carte !!!

 

Conclusion

S’il n’y a aucun doute à avoir sur le fait que le vaccin CHAT utilisé en Europe ne fut pas cultivé sur chimpanzé mais sur macaque.

Il n’y a maintenant plus guère de doute à avoir sur le fait que le vaccin CHAT utilisé au Congo belge fut bien cultivé sur rein de chimpanzé avec du sérum de ces mêmes singes comme milieu nutritif et que la production en quantité pour assurer l’ensemble des vaccinations locales fut réalisée sur place au laboratoire de Stanleyville.

La question qui se pose alors est de comprendre pourquoi Koprowski et ses collaborateurs ont nié ces faits avec autant d’insistance malgré les évidences contraires, avec le risque d’entretenir ainsi le soupçon et la méfiance à leur encontre. Pourquoi avoir pris un tel risque si des arguments simples et crédibles permettaient d’infirmer la thèse de Hooper tout en reconnaissant la préparation du vaccin sur chimpanzé ? Dès 1992, Koprowski avait choisi sa ligne de défense par rapport à l’article de Curtis. A l’époque, il lui fut aisé de se défendre en raison des erreurs techniques de Curtis mais en 1999, face à la monumentale et rigoureuse documentation de Hooper, c’était une autre affaire.

Au début de cette histoire, il pouvait paraître plus simple, sur un plan tactique, de nier la culture sur chimpanzés, ce qui réglait aussitôt le problème de façon définitive, plutôt que de reconnaître ce fait puis de devoir batailler indéfiniment pied à pied pour tenter de démontrer que, malgré cela, ce vaccin ne pouvait être à l’origine du sida. Mais une fois ce choix fait, il devenait difficile pour Koprowski de faire marche arrière malgré l’accumulation des preuves contraires à ses affirmations initiales. Mais Koprowski pouvait-il prévoir l’extraordinaire ténacité de Hooper ? Les organisateurs du symposium de Londres pouvaient-ils imaginer que, loin d’isoler Hooper et d’anéantir définitivement son travail d’enquête, ils allaient au contraire susciter la mobilisation des moyens de grandes télévisions ? Si c’était à refaire, Koprowski et ses collaborateurs choisiraient-ils la même stratégie ?

Il ne s’agit pas ici de chercher à apporter une réponse à la question sur l’origine du sida mais de s’interroger sur l’étrange attitude des scientifiques des grands laboratoires, tous soudés derrière les invraisemblables affirmations de Koprowski. Cependant, imaginons un instant que la question posée par Hooper sur l’origine du sida reçoive une réponse positive et publique.

Quelles en seraient les conséquences pour le prestige des programmes de vaccination ? Comment maintenir la possibilité de pratiquer des essais sur des êtres humains ? Les conséquences seraient énormes, trop sans doute, et chacun pourra les imaginer aisément.

Et si ceci expliquait cela… D’ailleurs Koprowski n’a-t-il pas dit qu’il ne s’adressait pas à Hooper mais au public, le seul qu’il leur importait vraiment de convaincre

Bernard Guennebaud
Avril 2022

 

(*) (Le premier épisode de cet article se trouve ici: https://www.aimsib.org/2022/04/10/le-sida-a-t-il-vu-le-jour-a-cause-dun-vaccin-anti-polio-defectueux-premiere-partie/ )

Notes et sources:
[1] http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/13655_1
[2] https://www.canal-u.tv/video/cerimes/les_origines_du_sida.13982
[3] https://www.lemonde.fr/archives/article/2004/04/27/un-documentaire-sur-les-origines-du-sida-suscite-une-polemique_362726_1819218.html
[4] https://www.contrepoints.org/2020/08/30/379122-benjamin-rubin-laiguille-bifurquee-contre-la-variole-les-heros-du-progres-32

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