Puisque cet examen demeure toujours aussi usité par les différentes autorités administratives il devient nécessaire de revenir (*) sur le principe de cette technologie pour mieux en comprendre son utilisation… politique. C’est le Docteur Philippe Pognonec (**), chercheur CNRS, qui a accepté de nous en expliquer le principe et nous l’en remercions chaleureusement. Comment est-il possible qu’un innocent test de laboratoire puisse se transformer en instrument de peur et d’aliénation de nos libertés individuelles comme collectives ? C’est (presque) très simple et c’est ici, bonne lecture.

Principe de la technique de PCR

La technique de PCR, pour « Polymerase Chain Reaction » a été développée il y a plus de 35 ans principalement par Kary B. Mullis et Randall K. Saiki (1). Ce fut une avancée majeure dans le domaine de la biologie moléculaire, offrant aux chercheurs des quantités d’ADN jusque là inimaginables.

Ceci a grandement simplifié de nombreuses autres techniques, tels le séquençage nucléotidique sans clonage préalable, l’insertion rapide de modifications de séquences, et… le dosage précis de la quantité de molécules d’ADN présentes dans un échantillon inconnu.

Ceci est aujourd’hui utilisé quotidiennement pour les tests « COVID-19 », l’échantillon à analyser étant ce que l’on récupère dans la cavité naso-pharyngée à l’aide d’un écouvillon. Il serait cependant plus précis de dire « tests SARS-CoV-2 », le SARS-CoV-2 étant le virus responsable de la COVID-19. Nous y reviendrons plus loin.

Le principe général de la PCR repose sur le fait que la molécule d’ADN consiste en deux chaînes dites « complémentaires », orientées de façons opposées. Par convention, on oriente ces chaînes selon leurs extrémités, dites 5’ et 3’. L’ADN est l’enchaînement de quatre unités de base, appelées « nucléotides », ou « bases », et identifiées avec les lettres A, T, C et G. Ces enchaînements constituent un brin dADN. Un A sur un brin sera toujours face (on dit : « apparié ») à un T sur le brin complémentaire, et un C sera toujours apparié à un G. Imaginons la séquence suivante pour l’un des deux brins d’ADN : GACATTCGGA

Ce brin d’ADN se lit par convention de 5’ en 3’. Son brin complémentaire est indiqué en dessous, mais son orientation étant opposée, on le lira de droite à gauche.
Soit au final notre molécule d’ADN double brin:

Qui est constituée des deux brins complémentaires 5’GACATTCGGA 3’ et 5’TCCGAATGTC 3’ mais ceci n’est qu’un exemple simple:

Dans la vraie vie, les molécules d’ADN peuvent atteindre des longueurs gigantesques. Le chromosome humain le plus long fait 260 millions de bases, en 2 brins complémentaires, soit 520 millions de nucléotides ! (2)

Ici, pour faciliter l’explication, nous utiliserons un petit fragment d’ADN de 10 paires de bases (pb) et des amorces de 3 bases. En réalité, les PCR fonctionnent de façon optimale sur des ADN de l’ordre de 100 à 150pb, avec des amorces de l’ordre de 20 bases, spécifiques de la séquence à amplifier. La Figure ci-dessous résume ce principe :

Dans l’étape 1, notre molécule d’ADN double brin (qui est la structure classique de l’ADN) représentée à gauche est chauffée à environ 90°C. Les liaisons entre les deux brins se déstabilisent, et ils se séparent (étape 2). En présence de deux petits ADN simples brins, appelés « amorces » (3 lettres en gras sur la figure), qui sont soigneusement choisis pour être complémentaires aux extrémités 5’ des deux brins, on va observer un appariement entre les brins d’ADN et ces amorces, présentes en bien plus grandes quantités (étape 3). Dès ces appariements formés, la polymérase (« Pol ») va venir se fixer aux extrémités 3’ libres des amorces, et allonger ces amorces en recréant le brin complémentaire, grâce aux nucléotides libres présents dans le tube de réaction qui viennent s’enchaîner pour « remplir » l’ADN. Finalement (étape 4), on se trouve en présence de 2 molécules complètes d’ADN double brins, qui sont les copies conformes de celle de départ. Ces quatre étapes sont ensuite répétées en cycle.

On peut calculer avec précision le facteur d’amplification que l’on obtiendra à partir de l’ADN initial : En 1 cycle, l’amplification est de 2 fois (on peut aussi écrire : 2¹)
en 2 cycles, l’amplification est de 4 fois (soit 2²)
en 3 cycles, l’amplification est de 8 fois (2³)
en « n » cycles : l’amplification est de 2n fois
Si n= 30, on aura amplifié le matériel de départ 230 fois, c’est à dire… 1.073.741.824 de fois, soit plus d’un milliard de fois !!!!

Adaptation à l’amplification d’un ARN messager

Nous venons de présenter l’amplification d’un fragment d’ADN. Le génome du SARS-Cov-2, virus responsable de la maladie COVID-19, ne peut cependant pas être amplifié directement par PCR. En effet, ce virus dispose d’un génome particulier, constitué d’ARN.

L’ARN est une structure cousine de l’ADN dans laquelle la base « T » est remplacée par « U », et l’ARN est ici présent sous forme d’un seul brin (ce qui, contrairement à l’ADN, est le cas général pour l’ARN).

Afin de pouvoir effectuer une amplification PCR à partir de ce génome ARN simple brin, une première étape est nécessaire : le passage de l’ARN en ADN (illustré sur la figure suivante). Ceci se fait en utilisant également une amorce ADN soigneusement choisie et complémentaire à l’ARN viral. Cette amorce ADN est parfaitement capable de s’apparier à son complément sur l’ARN, tout comme elle le fait sur un brin d’ADN. On ajoute à l’amorce ADN et à la matrice ARN une Polymérase particulière qui à la capacité de synthétiser un ADN complémentaire à l’ARN viral à partir de l’amorce ADN.

Cette Polymérase est nommée « Transcriptase Inverse, ou RT-Pol ». Ici, pas besoin d’amplification : on se contente d’un seul cycle de polymérisation, ou plutôt, de « rétro-polymérisation ». C’est ce fragment d’ADN simple brin nouvellement synthétisé qui servira de matrice initiale lors de la PCR, qui se déroulera exactement comme décrit plus haut.

Principe du suivi en « temps réel » de la réaction en chaîne (qRT-PCR)

Nous savons désormais préparer un ADN simple brin complémentaire à celui du génome du SARS-CoV-2 grâce à la RT-Pol, et nous savons amplifier cette matrice ADN grâce à la PCR. Mais comment utiliser la puissance de ces techniques d’amplification? Dans le cas présent, ce qui nous intéresse est de savoir « si l’on est positif ou non ». En d’autre terme, mon écouvillon contient-il de l’ARN de virus SARS-CoV-2?

Pour le savoir, on génère à chaque synthèse d’ADN un signal invariable et facilement mesurable. Plusieurs procédés le permettent. Si par exemple on génère une quantité précise de lumière à chaque création d’un brin d’ADN, il sera possible en mesurant la quantité totale de lumière produite au cours des cycles de suivre l’amplification en temps réel (Real Time, ou RT) de façon quantitative (q), et ainsi de connaître le nombre exact de molécules d’ADN synthétisées. D’où le nom de qRT-PCR.

Un moyen très efficace pour quantifier l’amplification consiste à utiliser en plus des deux amorces ADN un troisième ADN, appelé « sonde », qui est semblable à une amorce, et qui s’appariera sur une séquence choisie à l’intérieur du fragment à amplifier. Cependant, suite à une modification de ses extrémités, cette sonde ne pourra pas être utilisée comme amorce, et à chaque synthèse du brin d’ADN sur lequel cette sonde est appariée, elle sera bousculée, dégradée et décrochée de l’ADN par la polymérase. Lors de cette « expulsion », un signal fluorescent sera activé, et émettra une quantité bien définie de lumière, qui sera enregistrée par l’appareil. La figure suivante résume cette stratégie.

– Etape 1 : ADN double brin à amplifier ;
– Etape 2 : Appariement (après chauffage) de l’amorce et de la sonde, dont l’émission de lumière par la première base modifiée (C dans cet exemple) est bloquée par la présence d’un inhibiteur indiqué en lettre grasse (T ici) ;
– Etape 3 : La Polymérase en action décroche la sonde qui est coupée en morceaux, permettant l’éloignement de l’inhibiteur de l’émetteur de lumière, qui produit alors son signal.

Interprétation des résultats

La figure suivante est un résultat caractéristique de qRT-PCR. L’axe horizontal représente le nombre de cycles (ici, jusqu’à 45). L’axe vertical (ΔRn) représente la quantité de lumière émise lors de l’amplification des échantillons de départ. Le trait vert horizontal est

utilisé comme référence afin de déterminer après combien de cycles l’échantillon franchit ce seuil, appelé « Ct », pour « Cycle threshold », ou en français, seuil de cycle.

Sur cet exemple, un prélèvement ADN a été amplifié après avoir été dilué 4, 16, 64 et 256 fois. Chaque échantillon est en double afin de s’assurer de la reproductibilité des résultats.

  • En absence d’ADN à amplifier, aucun signal ne doit apparaître (contrôle négatif).
  • Sur le panneau A, après 25 cycles, le signal apparaît au fur et à mesure de la progression de la réaction sous forme d’un trait pour chaque échantillon.
  • Sur la panneau B, la réaction a été continuée jusqu’au cycle 45. On observe que les courbes ne sont plus exponentielles, et atteignent toute, plus ou moins tôt, un même plateau. Ceci est dû à l’épuisement des réactifs nécessaires à l’amplification (nucléotides, polymérase, sondes…). Afin de quantifier les différents échantillons, on s’intéresse au nombre de cycles nécessaires pour franchir le Ct (trait vert).

L’échantillon le moins dilué (dilué 4x) traverse le Ct après 20.6 cycles. Le dilué 16x, après 22.5 cycles, soit 1.9 cycles de plus. Ceci correspond approximativement à une différence de concentration de 21.9 = 3.7, proche des 4x attendus. Le dilué 64x a un Ct de 24.5, soit 2 cycles de plus que le dilué 16x. On obtient donc une concentration plus faible de 22 = 4 fois, exactement comme attendu.

On comprend bien sur cet exemple que plus le passage du Ct est petit, plus l’échantillon de départ est concentré

Dans le cas qui nous intéresse ici, le « test COVID-19 par PCR », on réalise immédiatement que si le résultat est négatif, il n’y a aucune ambiguïté : la personne testée n’est pas porteuse du virus, à condition bien sûr que:
1- le prélèvement ait été correctement effectué,
2- l’extraction du matériel génétique de ce prélèvement ait été correctement effectué.

On peut a priori exclure une erreur de manipulation lors de la qRT-PCR, puisque toute série d’analyses doit être accompagnée d’une part de ce que l’on appelle un contrôle positif, c’est à dire du matériel génétique viral à concentration connue qui doit donner un signal, et d’autre part d’un contrôle négatif, dépourvu de tout matériel génétique ciblé par les amorces, et qui donc ne doit donner aucun signal.

Envisageons maintenant que le résultat soit positif. Si les contrôles décrits plus haut indiquent que les réactions ont été correctement effectuées, alors la personne est déclarée « cas COVID », sous- entendu qu’elle est touchée par la COVID-19.

Cependant, le test PCR, bien qu’il soit un outil très puissant, n’a jamais permis de déterminer si une personne est malade ou non. La seule conclusion que l’on puisse tirer d’un test PCR positif est que dans le prélèvement se trouvait au moins un fragment d’ARN viral capable d’être reconnu par les amorces utilisées.

Ce fragment peut être un reste d’acide nucléique provenant d’un virus détruit part le système immunitaire du porteur. Ou il peut provenir de virus présents chez la personne testés, mais trop peu nombreux pour pouvoir déclencher la maladie.

Malheureusement, les laboratoires d’analyse n’indiquent pas le Ct auquel le signal est apparu lors du test. Un Ct de 20 n’aura évidemment pas la même signification qu’un hypothétique Ct de 50, puisque le virus sera dans le second cas 2(50-20), soit 1.073.741.824 de fois moins abondant que dans le premier cas (oui, un milliard de fois moins abondant !).

De plus, des travaux en laboratoire de recherche ont montré que les « charges virales » (i.e. le nombre de virus) de personnes ayant des Ct supérieur à 34 n’étaient généralement pas suffisantes pour entraîner des infections (3), bien que ces personnes soient déclarées aussi positives que celles ayant des charges virales des milliers de fois supérieures…

Conclusion

Nous avons présenté le principe et la puissance de l’analyse par qRT-PCR. Cet outil reste incontestablement le plus sûr et le plus précis pour mettre en évidence la présence d’un ARN viral SARS-CoV-2 (ou autre virus, avec des amorces adaptées) dans un échantillon. Cependant, nous avons vu qu’être « cas positif » à ce test ne signifie pas que l’on est malade de la COVID-19. Un résultat positif indique effectivement que la personne est au moins porteuse de quelques fragments d’ARN viraux, qui ont été amplifiés, d’autant plus que le nombre de cycles utilisé aura été très élevé (supérieur à 40).

On pourrait idéalement souhaiter voir mentionner sur les résultats de test le nombre de cycles utilisés, et surtout le Ct auquel le signal est apparu. Il est cependant techniquement difficile d’affirmer qu’au delà d’un Ct bien précis, il n’y a aucun risque d’infection. Cela tient au fait que chaque laboratoire, avec un même échantillon, pourra avoir des valeurs de Ct plus ou moins variables. La biologie moléculaire, qui semble une science exacte, est en fait très sensible à de toutes petites variations. Les systèmes PCR peuvent être différents d’un labo à l’autre, les échantillons préparés un peu différemment, etc…

Même l’utilisation d’un standard d’ARN viral de référence dont le Ct théorique est connu ne permettrait pas d’étalonner les labos entre eux, puisque des différences dans le traitement des écouvillons ne seraient pas pris en compte.

Cependant, il semble raisonnable de penser qu’au delà de 35 cycles, la contamination n’est pas biologiquement significative. Pourquoi ne pas concevoir une représentation visuelle des résultats, par exemple une barre colorée du vert au rouge selon les Ct, indiquant aux personnes où se trouve leur niveau réel de risque de contamination?

Par exemple :

Il semble cependant que cela ne soit pas envisagé.

Pourtant, bien des personnes « cas COVID » seraient rassurées si elles avaient accès à leur Ct et si celui-ci les plaçait « dans le vert ».

Laissons à chacun la liberté de s’interroger sur les raisons pour lesquelles une telle présentation n’existe pas aujourd’hui, alors que pour toute analyse de sang classique, les résultats sont systématiquement positionnés entre les valeurs de référence, afin de permettre à la personne testée de positionner son résultat d’analyse par rapport aux limites « acceptables ».

Pour terminer, et bien que la positivité d’un test ne signifie en rien que la personne soit a priori malade, il faut cependant mentionner un intérêt réel de ces tests. Hormis les périodes où même les personnes qui n’auraient pas envisagé de se faire tester le font quand même (vacances de Noël…), seules les personnes inquiètes, à tort ou à raison, vont se faire tester. Sur la masse des tests effectués quotidiennement, on a statistiquement la même proportion de positifs « non significatifs ».

Etant donné que les passages en réanimation consécutifs aux infections par le SARS-CoV-2 n’apparaissent pas avant une semaine environ, et les décès pas avant une dizaine de jours, le suivi de l’évolution du taux de positivité dans la population testée donne une idée de la situation à venir.

Ceci est illustré sur la figure ci-dessous, où des lignes verticales passent sur les sommets des courbes du nombre de cas positifs pour différents pays, et descendent sur les courbes des décès de ces mêmes pays (les dates étant alignées).

On observe que dans la plupart des cas, il existe bien un délai d’une dizaine de jours environ entre le pic de cas positifs et le pic des décès.

Cette observation est d’autant plus solide que bien que chaque pays ait sa façon propre de gérer ses tests, cette observation reste vraie.

Dr Philippe Pognonec
Avril 2021

 

 

Notes et sources
(*) https://www.aimsib.org/2020/08/30/covid-le-pcr-nasal-peut-il-mentir/
(**) Philippe Pognonec, Ph.D., Directeur de Recherche CNRS, unités Transporteurs en Imagerie et Radiothérapie en Oncologie, CEA Faculté de Médecine, Université de Nice, 28 Avenue de Valombrose 06107 Nice Cedex 2, France
(1) Saiki, R.; Scharf, S.; Faloona, F.; Mullis, K.; Horn, G.; Erlich, H.; Arnheim, N. Enzymatic Amplification of Beta-Globin Genomic Sequences and Restriction Site Analysis for Diagnosis of Sickle Cell Anemia. Science 1985, 230 (4732), 1350–1354. https://doi.org/10.1126/science.2999980.
(2) Genomes, 2nd ed.; Brown, T. A., Ed.; Wiley-Liss: New York, 2002.
(3) La Scola, B.; Le Bideau, M.; Andreani, J.; Hoang, V. T.; Grimaldier, C.; Colson, P.; Gautret, P.;
Raoult, D. Viral RNA Load as Determined by Cell Culture as a Management Tool for Discharge of SARS-CoV-2 Patients from Infectious Disease Wards. Eur. J. Clin. Microbiol. Infect. Dis. Off. Publ. Eur. Soc. Clin. Microbiol. 2020, 39 (6), 1059–1061. https://doi.org/10.1007/s10096-020- 03913-9.

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