C’est une rentrée très attendue pour le groupe Sanofi, principal pourvoyeur des vaccins anti-grippaux dans le monde. En Mars 2020, comprenant que l’intrication Covid-grippe saisonnière de la fin de l’année représenterait certainement une aubaine énorme pour augmenter ses ventes, le groupe n’a pas hésité à parier sur l’avenir et a augmenté sa production de 20% pour cet hiver (*). Premier élément de réflexion aujourd’hui, se vacciner contre la grippe peut-il vous exposer à développer une forme plus grave que si vous n’aviez pas été vacciné? Pour quelle raison?  La notion de facilitation a été exposée il y a un mois, ici même pour les coronavirus, toujours par Emma Kahn (**). Et c’est est aussi valable pour la grippe, donc tout s’explique…. Bonne lecture.

Le concept de péché originel antigénique (Original Antigenic Sin, OAS)

La première observation d’une réponse immunitaire « inadéquate » à une infection par un virus apparenté à celui utilisé pour une vaccination précédente date de la fin des années 40. (Francis Th., 1947)

Lors d’un essai clinique avec un vaccin anti-grippal, les vaccinés développèrent des taux d’anticorps plus faibles que les non vaccinés lors d’une infection ultérieure par une souche ayant subi une dérive antigénique, mais apparentée au virus vaccinal inactivé.

Le même phénomène a été retrouvé pour des infections naturelles séquentielles. (Francis Th., 1960)

L’histoire de ce pseudo concept d’OAS nous apprend beaucoup sur les lacunes théoriques de la science immunologique. On peut lire chez Francis Th. Jr, 1960, cette tautologie typique :
– « Un antigène est une substance qui induit la formation des anticorps et un anticorps est une protéine sérique dont la production est stimulée par un antigène. Il se combine spécifiquement à l’antigène correspondant. L’anticorps est le facteur essentiel de l’immunité acquise. »

L’interaction est pensée comme absolument spécifique (on teste celle-ci in vitro dans un milieu salin très éloigné d’un environnement tissulaire ou sanguin) et les réactions croisées d’affinités différentes ne sont pas envisagées.

Evolution du virus, modification de la réponse immunitaire

L’évolution des virus de la grippe A consisterait en des réarrangements successifs d’épitopes antigéniques préexistants. Les sérums de patients sont testés vis à vis des différentes souches de virus grippal apparues au cours du temps :

En fonction de l’âge des patients, chaque population réagit plus fortement avec la souche à laquelle le patient a été confronté dans son jeune âge. L’interprétation donnée est celle de l’OAS : l’imprégnation par la première infection gouverne les réponses anticorps ultérieures.

Chez le furet les souches anciennes de virus (cultivées en laboratoire plusieurs années) sont capables de réagir avec tous les anticorps des sérums immunisés séquentiellement avec différents virus. Les souches les plus récentes ne réagissent pas avec tous les anticorps du sérum. L’interprétation donnée est celle-ci : L’animal réagit plus fortement au premier virus rencontré.

On peut l’expliquer autrement : L’affinité des anticorps produits par les cellules mémoires au premier virus ne permet pas leur neutralisation complète par les virus les plus récents.

La « bénédiction initiale de la vaccination »

Francis explique que les jeunes enfants ont des lacunes dans leur immunité acquise car ils n’ont pas rencontré les anciens virus. Il propose de supprimer ces lacunes en vaccinant tôt dans la vie avec toutes les souches virales connues ayant circulé par le passé:
– « De cette manière le péché originel de l’infection pourrait être remplacé par la bénédiction initiale de la vaccination. »

L’idéologie religieuse prend la place de la science immunologique !

Et en 2020 nous en sommes toujours là : en France, pour nous éviter une deuxième vague de Covid-19, on nous propose l’eau bénite du gel hydroalcoolique et l’hostie du masque à l’entrée des temples de la consommation, sans oublier les lavages de mains compulsifs à la place des prières.

Efficacité des vaccins anti-grippaux

Nous en sommes toujours au même point également en ce qui concerne particulièrement la vaccination antigrippale. Le même phénomène a été décrit récemment à propos de la pandémie de H1N1. (Morens DM et al., 2010, Monto SA, et al., 2017, Choi YS et al., 2011)

Dans ces études, il est montré que les vaccinés récents avec un vaccin inactivé contre la grippe saisonnière ont une réponse en anticorps plus faible contre le vaccin anti pandémie H1N1-2009 et également sont plus susceptibles de développer la grippe H1N1 que les non vaccinés par le vaccin saisonnier.

En 2016 dans une étude financée par l’industrie (Pfizer, GSK, Merck, etc… Skowronski DM et al., 2016) les auteurs ont noté une très faible efficacité (VE) du vaccin anti grippe saisonnière 2014-2015.
– L’épidémie était due aux souches A (H3N2) et B (Yamagata),
L’efficacité était nulle envers la souche A(H3N2) circulante.

Le clade qui a dominé cette saison présentait des sites de glycosylation capables de masquer les épitopes viraux aux anticorps. Les virus de ce clade cultivés et adaptés sur œuf avaient perdu ces sites et étaient reconnus par inhibition de l’ hemagglutination in vitro, alors que la souche circulante n’était que faiblement reconnue par les anticorps : les épitopes étaient masqués au anticorps par cette glycosylation.

Comme montré en 2009, la VE dépend des vaccinations antérieures : les patients vaccinés seulement en 2014-2015 et pas les années antérieures avaient une VE supérieure à ceux vaccinés les années antérieures chez qui la VE était nulle.

Cet article montre l’interférence négative des vaccinations antérieures lorsqu’elles sont effectuées avec des souches proches entre elles ET lorsque le distance antigénique est grande entre le vaccin et la souche circulante, c’est à dire quand le risque de tomber malade est le plus élevé !

Les patients multivaccinés risquaient 1,5 fois plus que les non vaccinés d’être malades de la grippe en 2014-2015 et ceci avec la grippe A comme avec la grippe B.

Remarque : la culture du virus sur œuf pour la production du vaccin supprime les sites de glycosylation des protéines virales. Donc, même si le virus circulant correspond à la souche vaccinale, cette différence antigénique empêche les anticorps conférés par le vaccin de neutraliser la souche circulante .

Moderniser le concept d’OAS

L’article « The doctrine of OAS : separating good from evil », financé par les fabricants de vaccins, cherche à dédouaner la vaccination et rapproche l’ADE (Antibody Dependent Enhancement)  de l’OAS ,renommé « imprégnation antigénique » pour faire disparaître la connotation religieuse. (Monto et al., 2017)

Un article de 2009, juste avant la pandémie H1N1, très bien écrit par JH Kim, étudie l’OAS chez des souris en comparant les effets de différents vaccins et d’une infection par un virus grippal adapté.

Dans le cas d’une immunisation séquentielle avec des virus inactivés apparentés, la charge virale dans les poumons est très augmentée par rapport aux non vaccinés séquentiellement. Les mêmes auteurs préconisent en 2012 (Kim JH et al ;, 2012) d’utiliser des vaccins grippaux adjuvantés au MF59, un adjuvant contenant du squalène (peut-être en partie responsable des narcolepsies avec le vaccin antipandémie H1N1 de 2009), ou de multiplier les vaccinations pour supprimer ce diabolique OAS, ce que préconisait déjà Francis en 1960 !

Une étude, Kobinger GP et al., 2010, réalisée sur des furets à propos de la pandémie H1N1 retrouve les mêmes résultats :

Pas de réaction croisée vis à vis du virus H1N1 de la part des anticorps induits par les précédentes vaccinations ; Facilitation de l’infection en particulier par le vaccin atténué qui est pourtant le seul à procurer une réponse immune cellulaire (T-cell, donc Th1). La même suggestion est retrouvée : vacciner avec de plus fortes doses ou multiplier les rappels pour éviter le satanique OAS…

Une revue de 2015 sur les anticorps facilitateurs dans de nombreuses infections virales utilise pour la grippe comme pour les autres virus le concept d’ADE qui englobe tous les phénomènes rapporté à l’OAS : Ce dernier terme ne devrait plus être employé (Taylor et al., 2015).

L’expression profane d’ « imprégnation antigénique » qui le remplace masque une lacune théorique : il n’existe pas d’explication plausible biologiquement autre que celle donnée par JH Kim (Kim JH et al., 2009) :

il y a compétition pour l’antigène entre cellules B mémoires et cellules B naïves ; lorsque l’antigène est en faible quantité, les cellules mémoires se développent rapidement et captent l’antigène par réaction croisée, même s’il est différent du premier antigène auquel elles ont été confrontées.

Comment interpréter ces phénomènes

La réponse précoce est donc dominée par des anticorps à réaction croisée et la réponse tardive par des Ac à plus forte avidité et à plus grande spécificité de souche. De plus JH Kim rappelle que les virus de la grippe peuvent se lier à toutes les cellules B, quelle que soit leur spécificité BCR (récepteur des cellules B), par le biais de la liaison à l’acide sialique. Cela peut entraîner l’absorption et la présentation de l’Ag par les cellules B et la réorientation de la présentation de l’Ag par les cellules B au lieu des cellules dendritiques. Ce dernier phénomène peut conduire à des signaux d’activation sous-optimaux qui favorisent les cellules B mémoires au détriment de l’activation des cellules B naïves. Cette dernière explication peut enfin être considérée comme valable car elle est cohérente avec la théorie de l’évolution.

La vaccination orientant la réponse immunitaire vers le type Th2 augmente la réponse anticorps et immunopathologique au détriment de la réponse cellulaire.
Il faut donc écarter les termes d’OAS et d’ « imprégnation antigénique » qui brouillent la compréhension de ces phénomènes de compétition entre cellules pour la captation des antigènes.

A noter que les anticorps maternels, chez les porcelets de mères vaccinées contre la grippe, peuvent favoriser un ADE.  (Kitikoon P et al., 2006)
« Les résultats de cette étude remettent en question l’efficacité de la pratique actuelle consistant à générer des niveaux accrus d’Ac maternels par la vaccination des truies pour protéger les porcelets contre la maladie ».

Conclusion

On pourrait conclure de tout ceci que lorsque la distance antigénique est grande entre le vaccin anti-grippal et la souche circulante, il ne peut y avoir de réactivité croisée des anticorps et donc le vaccin ne sert à rien.

Quand cette distance est faible, il y a risque de facilitation de l’infection par les anticorps, lorsque la personne vaccinée rencontre le virus circulant….

Emma Khan
Septembre 2020

 

 

Notes et sources:
(*) https://www.usinenouvelle.com/article/sanofi-a-augmente-sa-production-de-vaccins-contre-la-grippe-de-20-dans-le-contexte-du-covid-19.N1003174
(**) https://www.aimsib.org/2020/08/23/covid-graves-admettre-lexistence-des-anticorps-facilitateurs/
Choi YS et al., 2011 https://europepmc.org/article/med/21813667
Francis Thomas, 1947 Thomas Francis Jr 1947 Francis T, Salk JE, Quilligan JJ. Experience with vaccination against influenza in the spring of 1947. Am J Public Health. 1947;37:1013–6. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1623895/pdf/amjphnation01119-0058.pdf
Francis Th., 1960, On the doctrine of original antigenic sin. Proc Am Philos Soc 1960; 104:572–578. https://www.jstor.org/stable/985534?seq=1#metadata_info_tab_contents
Kim JH et al ;, 2009, https://www.jimmunol.org/content/183/5/3294
Kim JH et al., 2012, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22869731
Kitikoon P et al., 2006, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16621020)
Kobinger GP et al., 2010 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20170374
Monto SA, et al., 2017 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20386731,
Morens DM et al., 2010, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3086238/,
Skowronski DM et al., 2016, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27025838
Taylor et al., 2015 https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/imr.12367

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